Fête internationale du travail : vers un nouveau pacte social

Par Mamadou Sèye

En convoquant les partenaires sociaux pour rouvrir, sur instruction du Président de la République, le grand chantier d’un pacte social, le Premier ministre Ousmane Sonko a posé un acte fondateur. Derrière les mots, se devine une volonté ferme de rompre avec les pactes de façade et les dialogues en trompe-l’œil. L’heure n’est plus aux promesses vides mais à la refondation patiente, rigoureuse, solidaire d’un contrat entre l’Etat et le monde du travail.

Car disons-le sans ambages : l’héritage est lourd, très lourd. Le tissu social est abîmé par des décennies de réformes imposées, de conventions signées sans suite, de relents d’autoritarisme budgétaire, et d’un dialogue souvent réduit à un jeu d’équilibrisme politique. Aujourd’hui, dans le Sénégal de l’après-alternance, les attentes sont immenses. Elles sont à la hauteur du désespoir accumulé.

Pourtant, les grognements récents de certains segments syndicaux ne sont pas un rejet du dialogue ; ils expriment une impatience lucide. Une manière de dire : « le pacte social, oui, mais un pacte sincère, utile et respecté. » Un pacte qui ne soit ni un slogan, ni une stratégie de diversion, mais un processus solide de co-construction, avec des actes, un calendrier, des ressources.

Le gouvernement, de son côté, a montré des signes encourageants. Il y a cette écoute nouvelle, cette volonté de transparence sur l’état réel des finances, cette ouverture à la critique – y compris virulente. Mais cela ne suffira pas. Le pacte social n’est pas une cérémonie de communion. C’est une architecture de compromis forts, exigeants, parfois douloureux, qui engagent toutes les parties.

Pour qu’il réussisse, il faudra assumer certaines ruptures :
– Rompre avec le saupoudrage salarial et les traitements inéquitables entre corps de métier.
– Rompre avec les recrutements clientélistes qui vident de sens la méritocratie.
– Rompre avec les politiques de productivité imposées sans dialogue ni accompagnement.
– Rompre surtout avec l’oubli du monde ouvrier, du personnel de santé, des enseignants de base, des contractuels invisibles, des travailleurs du secteur informel.

Mais il faudra aussi, positivement, poser des fondations neuves :
– Une évaluation rigoureuse de tous les accords passés.
– Une cartographie des urgences sociales par secteur.
– Une institutionnalisation plus forte du dialogue social, au-delà de la fête annuelle du 1er Mai.
– Et surtout, une vision : de quel type de travail veut-on faire le socle du Sénégal de demain ? De quelles protections sociales, de quelle éthique de la rémunération, de quel droit à la retraite digne, parlera-t-on en 2030 ?

En ce sens, le pacte social n’est pas une variable d’ajustement économique, c’est un choix de civilisation. Il dit la place qu’on accorde au travail dans le contrat républicain. Il dit notre rapport à la dignité humaine.

Alors, en ce 1er Mai, il faut saluer l’ouverture. Mais plus encore, il faut exiger la méthode, l’honnêteté, le courage des décisions. Car le peuple a assez vu de pactes qui … pactisaient avec l’oubli.

L’Histoire appelle. La Nation attend. La réponse ne peut pas être dilatoire.

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