Refonder l’Université ou refonder la République ?

Par Mamadou Sèye
En lançant les concertations nationales sur l’enseignement supérieur, jeudi 17 juillet 2025 à Dakar, le Président Bassirou Diomaye Faye a posé la refondation des universités au cœur du débat national, devant universitaires, chercheurs et acteurs éducatifs. Une prise de parole qui engage bien plus qu’un simple chantier académique.

La parole présidentielle sur l’université n’est jamais anodine. Ce jeudi, le chef de l’Etat a placé la refondation des universités au cœur de ses priorités. Il ne s’agissait pas simplement d’évoquer des amphis vétustes, des bourses insuffisantes ou des résidences délabrées. Il s’agissait, à mots choisis, de proposer une réconciliation nationale avec l’idée même d’école républicaine, de formation de l’élite, et de justice sociale par le mérite.

Ce mot de refondation, qu’il a soigneusement assumé, n’est pas un mot technique. C’est un mot de rupture. Il indique que l’université sénégalaise, telle qu’elle fonctionne depuis des décennies, a atteint une limite historique. L’effondrement silencieux des standards pédagogiques, les campus devenus citadelles d’angoisse ou de révolte, les enseignants en proie au désenchantement, les étudiants abandonnés à une précarité chronique : tout cela n’est plus soutenable. Il fallait une parole forte. Elle est venue.

Mais le vrai défi commence maintenant. Car refonder n’est pas rénover. Refonder, c’est repenser en profondeur. C’est accepter d’interroger le lien entre l’université et les réalités économiques du pays, le lien entre les filières offertes et les besoins du Sénégal productif. C’est aussi questionner la gouvernance des institutions universitaires, leur autonomie réelle, leur relation au politique, leur responsabilité dans l’agonie du rêve estudiantin.

Le Président, en convoquant cette refondation, se donne une responsabilité historique : sortir l’université du cycle infernal de l’improvisation, du bricolage budgétaire, des violences cycliques. Mais il doit aussi prendre garde. Car la jeunesse universitaire est méfiante. Elle a entendu trop de promesses. Elle a été trop souvent instrumentalisée, sacrifiée sur l’autel de calculs politiciens ou de réponses policières à des questions pédagogiques.

Ce qui est attendu, ce n’est pas un plan d’urgence, mais une vision. Une vision adossée à des moyens, à un calendrier rigoureux, à des mécanismes de suivi, à une implication réelle des enseignants et des étudiants eux-mêmes. Sans cela, la refondation restera un slogan de plus dans l’arsenal d’une communication gouvernementale souvent déconnectée des bancs délabrés de nos facultés.

Le moment est solennel. Car refonder l’université, c’est en vérité refonder la République. C’est dire à la jeunesse : « vous êtes notre avenir, nous n’avons pas le droit de trahir vos espérances ». C’est faire de l’université un lieu de transmission, de débat, de création, et non un sas de désespoir ou de transit vers l’émigration clandestine.

La parole du chef de l’Etat a ouvert une brèche. A lui de la transformer en horizon. Car il n’y aura pas de développement sans intelligence collective, pas de progrès sans savoir, pas de stabilité durable sans justice académique.

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