Dans un pays où l’on hurle à la corruption à la moindre rumeur, une fraude de plus de 800 milliards de francs CFA dénoncée par l’Etat aurait dû faire l’effet d’un séisme. Et pourtant, silence radio.
Pas de unes fracassantes, pas de plateaux télé passionnés, pas même une série d’éditos républicains pour saluer la fermeté de l’administration. Une seule entreprise, McDermott Marine Construction, est accusée par la Douane sénégalaise d’avoir fait sortir du pays des navires sans autorisation, sans paiement de droits, en toute illégalité.
Le dossier est explosif. 822 milliards de francs CFA réclamés, une procédure judiciaire enclenchée, des amendes records, des saisies en vue. Et malgré cela, l’événement passe presque inaperçu.
Pourquoi ? Parce qu’il ne s’agit pas d’un homme politique à abattre ? Parce qu’il ne sert pas une ligne éditoriale militante ? Parce qu’il n’y a pas de clash à faire buzzer ?
C’est cela, le vrai drame médiatique sénégalais : la banalisation du sérieux, et la spectacularisation du dérisoire.
Quand une poignée de sportifs se voient refuser des visas, toute la République s’enflamme. Quand un redressement fiscal d’un montant équivalent à plus de 10 % du PIB du pays est engagé, personne ne lève la plume.
Et pourtant, cette action incarne ce que les nouvelles autorités ont promis au peuple sénégalais : un Etat debout, respecté, et rigoureux. Qu’une administration ose s’attaquer à une multinationale opérant au port de Dakar depuis des années, c’est un tournant.
C’est aussi un message clair à toutes les entreprises installées au Sénégal : ici, désormais, il y a des règles. Et elles valent pour tout le monde.
La presse aurait dû s’emparer de cette affaire pour ouvrir le vrai débat :
Combien de milliards perdus chaque année du fait de la fraude fiscale ?
Combien d’accords opaques signés avec des géants sans contrôle parlementaire ?
Combien de complicités locales et de laxisme administratif ont permis ce type d’évasion ?
Mais au lieu de cela, on préfère gloser sur les discours, scruter les photos, décortiquer les gestes… et se détourner des actes.
C’est cela le plus inquiétant. Quand l’action publique dérange le confort éditorial, elle est étouffée sous des couches de silence.
Ce redressement de 800 milliards ne doit pas être qu’un fait divers administratif.
C’est un marqueur. Un test de crédibilité. Un signal de rupture.
Et il mérite, sinon des hourras, au moins une attention digne de l’enjeu.
PROMEDIA