Par Mamadou Sèye
130 milliards pour reverdir le Sénégal : une ambition inédite, à l’épreuve du terrain
Pour la campagne agricole 2025-2026, le Sénégal engage un volume d’investissement jamais atteint dans son histoire. Mais au-delà du chiffre impressionnant, c’est un tournant de méthode, de vision et de rapport à la jeunesse rurale qui se dessine.
Le Conseil interministériel tenu hier sous la présidence du Premier ministre a consacré une décision majeure pour l’avenir de notre agriculture : 130 milliards de francs CFA seront injectés dans la campagne agricole 2025-2026. Un budget sans précédent, accompagné d’un dispositif d’envergure : mobilisation de 1 000 jeunes volontaires pour l’encadrement des producteurs, et 10,8 milliards destinés aux coopératives agricoles communautaires.
C’est un signal fort, un véritable tournant dans la manière dont le Sénégal envisage sa souveraineté alimentaire. Mais comme toute ambition politique, celle-ci sera jugée à l’aune de son efficacité concrète. Car les terres sénégalaises ont trop vu d’annonces ensemencées sans récolte tangible.
Une volonté de rupture assumée
Avec cette décision, les nouvelles autorités marquent leur volonté de rompre avec les politiques agricoles souvent limitées à des actions conjoncturelles ou pilotées depuis les bureaux. Le montant alloué, par son ampleur, crée des attentes considérables et fixe un cap : redonner à l’agriculture sénégalaise les moyens d’être une force productive, nourricière, et porteuse d’emplois.
Loin d’un simple soutien symbolique, ce plan est un véritable pari sur l’avenir rural. Un pari qui, bien mené, peut faire école en Afrique de l’Ouest.
Une « armée verte » de 1000 jeunes : vers la professionnalisation rurale ?
Le déploiement de 1 000 jeunes pour accompagner les producteurs est sans doute l’un des éléments les plus novateurs. Il symbolise une volonté de reconnecter la jeunesse au destin agricole du pays. Cette génération, souvent en quête d’opportunités urbaines ou migratoires, est ici appelée à devenir actrice du changement rural.
Mais l’ambition ne suffira pas. Ces jeunes devront être formés, outillés, encadrés dans la durée. Il ne s’agira pas seulement de les mobiliser, mais bien de les insérer durablement dans un écosystème professionnel où ils pourront croître et s’épanouir. Si cet objectif est atteint, alors cette campagne pourrait accoucher d’un véritable renouveau générationnel du secteur agricole.
Coopératives agricoles : un levier de résilience communautaire
L’autre mesure forte est l’appui direct de 10,8 milliards aux coopératives agricoles communautaires. Ce choix est significatif : l’État reconnaît le rôle central des dynamiques locales, de la solidarité paysanne et de l’intelligence communautaire dans la transformation agricole.
À condition, là encore, que les fonds soient bien orientés, que les coopératives soient réellement actives et non captées par des intérêts particuliers. La relance du modèle coopératif est une belle idée. Mais elle exige rigueur dans l’allocation, transparence dans la gestion et autonomie dans l’action.
Un test grandeur nature pour la nouvelle gouvernance
Tout est donc dans l’exécution. Car si le projet échoue, ce ne sera pas faute de moyens, mais faute de méthode. Ce New Deal agricole ne doit pas devenir une simple opération budgétivore, mais bien un tournant structurel, inscrit dans le long terme.
La question de la redevabilité sera centrale. À chaque étape – de la distribution des semences à la récolte, du paiement des jeunes encadreurs à la gestion des fonds communautaires –, l’État devra faire preuve de transparence, de contrôle citoyen et d’évaluation continue.
Semer grand, récolter juste
Ce plan de 130 milliards est un appel à l’espérance. Il dit que le développement du Sénégal peut et doit passer par ses champs, ses paysans, sa jeunesse et ses terroirs. Il dit aussi que la souveraineté alimentaire n’est plus un slogan, mais un objectif structuré, chiffré, assumé.
Mais semer grand ne suffit pas : il faut récolter juste. Juste pour les producteurs, pour les communautés rurales, pour les jeunes engagés, pour les générations futures. À l’épreuve du terrain, cette campagne sera un révélateur de la sincérité politique du nouveau pouvoir et de sa capacité à faire autrement.
Alors que les premières pluies se préparent, il ne reste qu’à espérer que les graines de cette campagne soient les prémices d’un printemps durable pour l’agriculture sénégalaise.