Par Mamadou Sèye
Il est des moments où le réel déjoue les pronostics, où la rigueur supplante le cynisme, où l’État redevient crédible non parce qu’il promet, mais parce qu’il assume. Le Sénégal vient de réussir une opération financière inattendue : lever plus de 405 milliards de francs CFA là où l’on attendait 150. Et le faire avant terme. Certains chercheront à minimiser ce geste. D’autres s’interrogeront : comment, avec une note souveraine dégradée, un pays peut-il susciter autant de confiance ?
C’est là que commence la vraie réflexion. Ce n’est pas seulement une question de chiffres ou de taux. C’est une affaire de posture. Une affaire de clarté. Le Sénégal a fait un pari : celui de la transparence, de la reddition de comptes, de la sincérité dans l’action. Un pari risqué, tant nos écosystèmes politiques ont longtemps confondu gouverner avec dissimuler. Et pourtant, c’est ce pari qui a payé. Parce qu’en matière de confiance, ce que redoutent les marchés, ce ne sont pas les mauvaises nouvelles, mais le mensonge. Ce ne sont pas les crises, mais l’improvisation.
Ce que nous vivons, ce n’est pas une embellie éphémère. C’est une respiration démocratique. L’État ne cherche plus à plaire, mais à convaincre. Il ne maquille plus ses failles, il les affronte. Et cette lucidité, paradoxalement, rassure. Elle rassure les citoyens, qui savent qu’on les regarde enfin dans les yeux. Elle rassure les partenaires, qui comprennent qu’ils ont affaire à un État debout, responsable, et non à un mendiant docile.
La gestion de la dette paysanne, le paiement des bourses, la baisse des denrées de base, les efforts sur le coût de l’électricité : rien de spectaculaire, mais tout de symbolique. Cela signifie qu’en l’absence même de soutien ponctuel de certains bailleurs, une gouvernance fondée sur l’intégrité peut porter des fruits. Cela signifie aussi que les techniciens de l’État ont été remis au centre. Que le savoir-faire a retrouvé sa place. Que l’intelligence publique n’est plus réduite au silence.
Tout n’est pas réglé, bien sûr. Le chômage des jeunes reste une épine majeure. Mais qui peut sérieusement croire qu’on en viendra à bout d’un claquement de doigts ? Ce qu’on observe aujourd’hui, c’est une réorientation de la boussole. Un retour à l’essentiel. Une politique qui ne vise pas à séduire, mais à construire.
Nous entrons peut-être dans une ère nouvelle, où le courage civique sera la première matière première de l’action publique. Où la vertu cessera d’être un luxe pour redevenir un levier. Où gouverner signifiera non pas rassurer les puissants, mais apaiser les peuples. Cet emprunt record, au-delà de ses implications économiques, est un signal politique fort : la confiance revient quand la vérité reprend ses droits.
Et cela, pour une nation, est plus précieux que l’or.