Dialogue national : le théâtre d’ombres face à la volonté populaire

Par Mamadou Sèye


Alors que le Président de la République convoque un dialogue national pour refonder l’unité et tracer les lignes de consensus, une série de formations politiques, qui n’ont plus d’audience que médiatique, multiplient les communiqués de boycott. Dans ce vacarme, la République reste debout, forte de la légitimité populaire récemment réaffirmée.

La démocratie a ses rituels. Le dialogue national est de ceux-là. En décidant de le convoquer pour le 28 mai prochain, le Président de la République ne fait ni une concession, ni un calcul politicien. Il traduit simplement une volonté constante : inclure, écouter, rassembler. Et pourtant, cette main tendue, qui s’inscrit dans la tradition républicaine des grands compromis, rencontre en face un vacarme étrange, animé par des organisations politiques qui ressemblent plus à des clubs de lecture en jachère qu’à de véritables forces sociales enracinées.

Ce sont ces entités — que l’on peut qualifier sans mal de singletons politiques — qui, à défaut de base militante, se sont spécialisées dans la surenchère verbale. Depuis un an, elles n’ont organisé ni meeting, ni marche, ni conférence de masse. Leur seule raison d’exister semble résider dans les prises de position contre tout ce qui vient du sommet de l’Etat. Dès qu’un projet, une vision ou un cap est proposé par le Président ou par son Premier ministre, surgissent les sempiternelles objections creuses et les appels à la posture.

Ces structures ont déserté le terrain. Elles ne vont ni vers les marchés, ni vers les gares, ni vers les quartiers. Elles ignorent la sueur du terrain, l’angoisse des jeunes en quête de dignité, le courage des paysans, le pragmatisme des femmes. Et pourtant, elles prétendent parler au nom du peuple. Mais de quel peuple s’agit-il ? Celui des plateaux de télévision ? Celui des algorithmes de WhatsApp ? Certainement pas celui qui, le 24 mars dernier, a parlé haut et clair en donnant au Président Diomaye Faye 54% des suffrages dès le premier tour et offert une majorité parlementaire nette à la coalition au pouvoir.

Le paradoxe est saisissant : plus ces organisations s’éloignent du peuple, plus elles parlent en son nom. Plus elles sont déconnectées de la dynamique populaire, plus elles revendiquent une représentativité factice. Mais au fond, elles ne cherchent pas à dialoguer. Elles cherchent à exister — ou plutôt à ne pas mourir tout à fait dans l’indifférence générale.

Et comme toujours, dans l’ombre de ces postures, surgit une autre faune : la société civile rentière. Celle qui ne vit que de la peur, celle qui ne prospère que sur les tensions, celle qui attend la moindre crispation pour se poser en médiatrice autoproclamée. C’est elle qui, après avoir observé sans agir, viendra nous dire qu’ »il faut que les gens se parlent », alors même qu’elle a brillé par son silence face à l’invitation formelle au dialogue. Cette société civile-là ne cherche pas à prévenir les crises : elle les attend, les scrute, les espère — car elles sont son carburant. Et plus la République tangue, plus ses appels à « l’apaisement » deviennent une rente d’existence.

Il faut, à ce stade, que les pouvoirs publics fassent un effort de lucidité : il est temps de savoir qui l’on a en face. Toute démarche de dialogue, si noble soit-elle, doit reposer sur une base claire : la représentativité réelle. Ce que la Nation attend, ce ne sont pas des consensus creux avec des structures sans ancrage. Ce sont des débats féconds avec ceux qui ont une légitimité populaire, une capacité d’action et une volonté de contribution sincère.

En démocratie, le pluralisme est un bien précieux. Mais il ne faut pas le confondre avec le désordre ou l’inflation de slogans. La vitalité d’un pays ne se mesure pas au nombre de partis politiques enregistrés, ni aux micros tendus à des porte-voix sans écho. Elle se mesure à la clarté des choix populaires, à la sincérité des débats et à la dignité des engagements.

Le Président a joué sa partition. Il convoque, fédère, propose. C’est maintenant aux citoyens lucides et aux forces sociales réellement enracinées de se lever pour que ce dialogue ne soit pas kidnappé par les illusionnistes de la parole facile ou les spéculateurs d’instabilité.

Car le Sénégal, lui, avance. Et la République, elle, n’a pas vocation à être l’otage de formations fantômes ni à se faire dicter son rythme par ceux qui vivent des fissures.

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