Par Mamadou Sèye
Camarades, il y a un aspect capital que le Président Bassirou Diomaye Faye gagnerait à décrypter avec lucidité. Il est indubitable que l’électorat de PASTEF — donc l’écrasante majorité du pays — continue de lui vouer un respect réel. Ce respect demeure, solide, incontestable. Mais pas plus. Et c’est ici que s’installe le malaise : une déconnexion sourde, silencieuse, tapie dans les tréfonds du champ militant. Ce n’est pas de l’hostilité, ce n’est pas une rupture. C’est pire : c’est une indifférence rampante.
On la lit distinctement à travers la dynamique des réseaux sociaux. Autrefois, chaque déplacement à l’étranger du Président, chaque intervention, chaque image, déclenchait un torrent de partages, de commentaires, de ferveur patriotique. C’était l’effervescence. Aujourd’hui, cette flamme s’est éteinte. On s’y intéresse mollement. Les réactions sont devenues feutrées. La magie est en veilleuse. Et c’est regrettable, presque injuste, quand on pense à tout ce que Diomaye a enduré pour porter ce projet jusqu’à la victoire historique du 24 mars.
Ousmane Sonko l’avait rappelé : si Diomaye Faye est allé en prison, c’est parce qu’il avait publiquement dénoncé l’injustice faite à Sonko. Il a payé, de sa liberté, la défense de son frère de combat. Il a servi de symbole. Il a scellé, dans la douleur, le destin du mouvement. Celui qui s’est sacrifié pour protéger le projet ne devrait jamais être abandonné par ceux pour qui il s’est sacrifié.
Pourtant, un élément précis est en train d’installer cette distance : la justice. Les lenteurs, les ambiguïtés, les perceptions d’atermoiements, les dossiers qui n’avancent pas, les promesses qui tardent à se matérialiser. Voilà la grosse pomme de discorde entre le Président et la base militante. C’est là que se noue la frustration. C’est là que se cristallisent les murmures que la République finira toujours par entendre.
Car la base de PASTEF n’est pas une masse docile. C’est une base idéologique, exigeante, politisée, souffrante encore de la répression passée. Leur patience n’est pas infinie. Leur mémoire est brûlante.
La date du 8 novembre pourrait, si elle est bien interprétée, devenir une base de retrouvailles entre Diomaye et ses militants. Rien, absolument rien, ne l’interdit. Les Sénégalais n’ont pas élu un Président pour le voir s’éloigner de son socle, mais pour qu’il continue à incarner leur colère, leurs frustrations, leurs espérances.
Et si ce n’est pas cette date, alors que le discours tant attendu d’Ousmane Sonko serve, enfin, à dissiper les malentendus. Car Sonko reste, dans l’imaginaire collectif, le moteur affectif de cette majorité. Il peut réchauffer la flamme que le silence refroidit. Il peut, d’un mot, refermer les fissures qui apparaissent sous les murs du pouvoir.
Nous ne sommes pas dans le tumulte. Pas dans la rébellion. Nous sommes dans quelque chose de plus subtil : le retrait affectif. Et lorsque la base ne vibre plus, lorsque la ferveur s’efface, la légitimité s’assèche. Le danger n’est pas dans les slogans hostiles : il est dans les silences longs.
Le Président doit regarder ce signal faible avec toute la finesse d’un stratège. Ce projet ne survivra pas si se creuse un fossé entre le symbole et ses sentinelles. Il n’y a pas de victoire historique sans continuité émotionnelle.
Si Diomaye veut consolider son pouvoir, qu’il retrouve son peuple — là où il l’avait laissé : dans la justice, la parole claire, et la bataille contre l’arbitraire.