Et si nous avions mal écouté Diomaye ?

Mamadou Sèye

Et si, à force de scruter chaque mot, chaque posture, chaque silence du Président Diomaye Faye, nous étions passés à côté de l’essentiel ? Et si, pris dans l’émotion, la méfiance ou la mémoire encore vive des blessures, nous avions mal entendu le sens réel de son appel à la « réconciliation » ? Loin de vouloir solder à la hâte les douleurs de ces dernières années, Diomaye semblait, si l’on s’attarde sur l’ensemble de ses propos, poursuivre une tout autre ambition : celle d’une justice refondée, réparatrice, tournée vers la paix des consciences. Déjà à Thiaroye 44, il disait : « On ne peut exiger la lumière sur des faits s’étant déroulés il y a plus de 80 ans et ne pas le faire sur des faits datant de 2021 à 2024. » Comment, à partir d’une telle déclaration, pourrait-on sérieusement l’accuser de vouloir effacer ou banaliser les drames récents ? Ce n’est pas une équivoque. C’est un repère moral. Lors de sa dernière intervention, celle qui a soulevé la tempête, il a tenu à rappeler que ce sont ses dénonciations des dysfonctionnements de la justice qui lui ont valu onze mois de prison. Et il ajouta que laisser perdurer ces dysfonctionnements serait un échec pour lui. Il est même allé plus loin : « Il m’appartient de les corriger », a-t-il dit, pour réconcilier le peuple sénégalais avec sa justice. N’est-ce pas là l’acte de foi d’un homme conscient que sa légitimité dépend d’un contrat de vérité avec le peuple ? Le mot « réconciliation », dans sa bouche, n’appelait donc pas à l’amnésie. Il visait la réparation, la réhabilitation du lien entre citoyens et institutions. Une paix construite, pas imposée. Une paix lucide, pas complice. Mais voilà : dans une société où la mémoire est à vif, où les deuils n’ont pas tous trouvé justice, un mot mal choisi, mal expliqué, peut être une bombe politique. Ce fut le cas. Car en communication politique, l’approximation coûte cher. C’est une leçon : ce qui n’est pas dit clairement, corrigé rapidement, peut être déformé profondément. L’émotion légitime des familles de victimes et des blessés ne souffre aucune ambiguïté. Ce peuple qui a porté Diomaye et Sonko ne demande pas des mots, il exige des actes, des procès, des réparations, des sanctions. Il veut la fin du « temps de la justice », cette lenteur institutionnelle qui se confond souvent avec l’oubli organisé. Et c’est ici qu’un point doit être clairement établi : si les autorités prenaient toutes les mesures pour une célérité réelle dans les dossiers de justice relatifs aux crimes, à la répression et aux détournements, elles pourraient alors gouverner en toute tranquillité. La paix publique se construit aussi par la rapidité et la rigueur judiciaire. Mais pour comprendre l’homme Diomaye, il faut peut-être écouter autrement. Cet homme n’a pas trahi. Il a deux enfants qui portent le prénom d’Ousmane Sonko et celui de la mère de Sonko. Ce lien dépasse le politique. C’est une fidélité intime, scellée dans l’amitié assumée : « Pour prévenir tout conflit entre nous, Ousmane et moi avons choisi d’être amis », a-t-il confié. Et dans sa dernière sortie, il a encore revendiqué cette amitié. Peut-on imaginer qu’un homme capable d’une telle loyauté se détourne de la quête de justice qui a cimenté leur combat commun ? Rien ne l’indique. Tout, au contraire, laisse penser que Diomaye tente d’ouvrir une voie : non pas celle du pardon sans vérité, mais celle d’une vérité qui pacifie sans renier. Le malentendu fut grand. Il est encore temps de le dissiper. Et si nous avions mal écouté Diomaye ? La question vaut d’être posée. Car ce pays ne peut plus se permettre le luxe des confusions. Il nous faut entendre clairement. Agir vite. Et reconstruire sur des fondations nettes : justice, vérité, et fidélité au peuple.


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