Le cap est fixé : gouverner sous tension, livrer sous surveillance

Par Mamadou Sèye

Il y a des réunions qui relèvent de la routine bureaucratique, et d’autres qui cristallisent un tournant. Celle présidée avant-hier par le Premier ministre Ousmane Sonko entre dans cette seconde catégorie. Ce fut un moment de clarification. Un recadrage en règle. Une manière ferme, mais structurée, de dire aux membres du gouvernement : “nous ne sommes plus dans l’intention, mais dans la traduction opérationnelle. Et le peuple attend des résultats, pas des récits.”

“Nous devons fixer un cap clair, celui de l’efficacité collective.” Cette phrase, volontairement dépouillée, en dit long sur l’esprit du moment. Elle tranche avec les postures verbeuses souvent associées à la haute administration. Ce que Sonko annonce, en vérité, c’est une doctrine de la responsabilité frontale. Fini les boucliers dilatoires. Chaque ministre, chaque direction, chaque projet portera désormais un poids : celui de la traçabilité, du résultat et de l’obligation d’agir.

Il faut dire que le contexte politique ne permet aucune procrastination. Le gouvernement actuel n’est pas sorti des urnes avec une indulgence automatique. Il hérite d’un pays en attente, en éveil, et en alerte. Un pays où les citoyens, longtemps relégués au rôle de spectateurs de promesses, sont devenus exigeants, outillés, critiques. Dans un tel paysage, le simple fait de gouverner devient un défi quotidien. Il faut avancer tout en convainquant, réformer tout en expliquant, transformer sans renier l’idéal qui a mobilisé.

C’est à cette complexité que la réunion du 14 juillet a voulu répondre. Et pour cela, le Premier ministre a pris soin d’articuler une méthodologie rigoureuse :

Digitalisation accélérée de l’administration : dans un délai de trois mois, la gestion des courriers sera entièrement dématérialisée. Objectif ? Mettre fin aux “courriers sans suite”, ces gouffres bureaucratiques où meurent tant d’initiatives structurantes. Le symbolisme ici est fort : c’est la vitesse contre l’inertie, la transparence contre l’opacité.

Feuilles de route ministérielles exigées d’ici fin juillet : chaque ministre devra livrer un document clair, aligné avec les priorités nationales, évitant la dispersion des efforts. Cela va au-delà de la bonne volonté : c’est une contractualisation de la mission publique.

Rapports trimestriels sur les engagements présidentiels : une obligation de redevabilité. Ce n’est plus à la fin du mandat qu’on dresse le bilan : désormais, le monitoring est intégré à la gouvernance.

Focus particulier sur trois ministères stratégiques (Industrie et Commerce, Transports, Justice) : ils ont jusqu’au 15 août pour fournir un plan d’exécution des conclusions issues des Etats généraux avec échéances, priorités et acteurs identifiés. Cette exigence traduit une volonté de hiérarchiser les réformes en fonction de leur impact réel sur la transformation du pays.

Lancement et accélération de tous les projets financés ou inscrits dans la LFR : avec la Primature comme pôle de suivi opérationnel, l’Etat veut reprendre le contrôle sur les retards systémiques et les déphasages techniques qui plombent l’action publique.

– Enfin, présentation imminente d’un plan de redressement national, suivi d’une campagne de communication nationale en août et septembre. Ici, l’enjeu est double : expliquer les choix, mais aussi mobiliser les acteurs institutionnels et sociaux autour d’une vision partagée.

Mais au-delà de ces mesures concrètes, ce qui est en jeu, c’est une autre culture de l’Etat. Le Premier ministre pose une équation nouvelle : gouverner, ce n’est plus arbitrer, c’est produire ; ce n’est plus s’abriter derrière la technostructure, c’est nommer les blocages et désigner les responsables. Car il l’a dit sans détour : “Dans cette phase, chaque blocage aura un responsable identifié.” C’est, de fait, une révolution silencieuse dans une administration longtemps habituée à l’anonymat de l’échec.

Cette nouvelle phase appelle aussi une réorganisation de l’écosystème médiatique et citoyen. Face à une exigence de résultats, les observateurs doivent eux aussi sortir du commentaire passif. C’est pourquoi PROMEDIA, en tant que plateforme d’analyse, s’engagera à documenter ce moment. Nous montrerons, à travers des dossiers rigoureux, les administrations qui performent, celles qui innovent, celles qui méritent d’être montrées en exemple. Mais nous indexerons aussi, sans détour, les structures et les responsables qui ralentissent l’élan collectif. Car oui, dans une gouvernance fondée sur la reddition de comptes, le silence est complice.

Ce moment peut être fondateur, à condition d’être suivi d’effets. Il appartient désormais à chaque ministre de s’approprier cet appel à la rigueur comme une ligne de conduite, et non comme une injonction conjoncturelle. Il faudra de la méthode, de l’humilité, de l’endurance. Car dans ce nouveau cycle, les grands mots ne suffiront plus. Il faudra produire des faits.

Et c’est bien cela, le nouveau pacte : gouverner sous tension, livrer sous surveillance, réussir sous preuves.


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