L’Afrique à l’heure des tempêtes : pour une souveraineté qui ne négocie plus son âme

Par Mamadou Sèye

Lorsque Donald Trump tousse depuis son ranch doré, les marchés frémissent, les chancelleries retiennent leur souffle… mais cette fois, quelque chose a changé. L’Afrique, ce continent qu’on disait docile et malléable, ne tend plus l’oreille pour recevoir la toux du maître. Elle écoute autre chose. Elle s’écoute elle-même.

Car Trump, avec ses accents de forteresse assiégée, ne fait que cristalliser la crise organique du capitalisme occidental. Une crise où l’idéologie néolibérale vacille, où le libre-échange devient l’arme des forts contre les faibles, où le dollar se cabre comme s’il pressentait qu’un autre ordre veut éclore.

Mais, dans le fracas de cette recomposition mondiale, l’Afrique doit cesser d’être le théâtre, et devenir acteur et dramaturge de sa propre épopée.

La souveraineté ? Oui, mais celle qui ne se déclame pas, qui se construit. Elle ne naîtra pas de discours vibrants devant des parlements asservis. Elle naîtra du contrôle réel sur les leviers économiques, sur les veines minières et les artères énergétiques de nos territoires, sur l’éducation et la formation de cadres endogènes, armés non pas d’imitations, mais de visions enracinées.

Faut-il encore mendier les subsides de la Banque mondiale ? Faut-il quémander des miettes auprès du FMI, institutions qui nous maintiennent dans une camisole budgétaire cousue de conditionnalités mortifères ? Le matérialisme historique nous enseigne ceci : ce qui ne sert plus le peuple devient un obstacle à abattre, ou à dépasser dialectiquement.

Alors, que Trump revienne ou non, que l’Occident se redresse ou s’effondre dans ses propres contradictions internes, l’Afrique doit s’extraire de l’attente et entrer dans la maîtrise. Il ne s’agit pas de se retirer du monde, mais de s’y engager dans la dignité et la lucidité. Le multilatéralisme véritable commence par l’existence affirmée de soi.

Cela exige une boussole idéologique. Car on ne navigue pas au milieu des tempêtes sans repères. Nous avons connu les flux et reflux de l’Histoire, les moments d’avancée et de trahison. Nous savons ce que coûte l’imitation aveugle, ce que rapporte la subversion patiente. Mao nous l’a appris : le réel est à conquérir par étapes, mais sans jamais lâcher le cap.

Ce cap aujourd’hui, c’est l’intelligence stratégique de nos ressources, la construction de chaînes de valeur africaines, la formation d’un bloc politique panafricain capable de parler d’égal à égal avec le reste du monde.

La souveraineté n’est pas un rêve. C’est la matérialisation progressive d’un refus : celui de n’être que le terrain de jeu d’intérêts qui ne sont pas les nôtres.

Et le rôle des penseurs, des journalistes, des cadres patriotes, des citoyens éveillés, est de donner forme à cette insurrection de la conscience, de bâtir le langage nouveau qui annonce la fin des dépendances consenties.

Le vent se lève. Il ne nous reste qu’à hisser les voiles.


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