Le premier ministre face aux députés: la fin du droit à l’insolence

Il y a des discours qui marquent une étape. Celui prononcé aujourd’hui par le Premier ministre devant l’Assemblée nationale, à l’occasion de la séance consacrée aux questions d’actualité, s’inscrit sans conteste dans cette catégorie. À la fois offensif, structuré et assumé, il sonne comme une déclaration de méthode : désormais, l’action primera sur les incantations, le cap sur les distractions, la fermeté sur les faux-semblants.

Si les ministres ont, chacun dans leur domaine, éclairé les grands chantiers en cours – santé, logement social, accès aux denrées de première nécessité – c’est bien la posture du chef du gouvernement qui a retenu l’attention. Et pour cause : face au boycott sans effet d’une frange de l’opposition, il a opposé le calme des convictions et la force de l’argument. Il a fustigé, sans s’emporter, cette manie d’éviter le débat réel pour mieux se réfugier dans le confort du bruit. Il les a invités, non pas à l’anathème, mais au débat programmatique. Une main tendue aux responsables, un avertissement aux démagogues.

Mais c’est lorsqu’il a abordé la question de la presse que son propos a pris une dimension particulièrement attendue – et sans doute salutaire. Avec des mots choisis mais fermes, il a dénoncé le combat par procuration mené par une certaine frange médiatique, plus prompte à dégainer l’invective qu’à exercer la distance critique. Il ne s’agissait pas de stigmatiser l’ensemble du corps journalistique – dont il a, à plusieurs reprises, salué le rôle indispensable dans la vitalité démocratique – mais bien de nommer une dérive qui ne dit pas son nom : celle d’un journalisme devenu militant, d’analystes devenus procureurs, de chroniqueurs nourris de ressentiment plus que de rigueur.

La formule a frappé les esprits : « Tolérance zéro. Et j’assume. » Elle ne dit pas la fermeture, elle ne dit pas la censure – elle dit la fin de l’impunité symbolique. Le droit à l’irrespect n’est pas un passeport pour la haine. Le privilège de la parole publique suppose un devoir de mesure. Le gouvernement entend protéger la liberté, mais il ne se laissera plus piétiner par la mauvaise foi élevée en art.

L’éditorialiste que je suis n’y voit pas une menace, mais une clarification. Il faut à notre pays une presse forte, indépendante, mais lucide sur sa responsabilité. Ce que le Premier ministre a mis en cause, c’est l’activisme déguisé, le tribunal permanent, les chroniques du ressentiment. Ce combat est légitime. Il est même sain.

Dans un autre registre, sa mise au point sur les policiers dont le contrat a été résilié a apporté un éclairage utile : il s’agissait, selon ses mots, de recrutements politiques , que leur propre hiérarchie a jugés inadaptés. Pas de chasse aux sorcières, mais une volonté de moraliser les procédures. Là encore, la méthode transparaît : trancher sans vengeance, corriger sans humilier.

Quant à la justice, le Premier ministre a appelé à une accélération assumée des procédures. « Le temps de la justice, c’est le temps du peuple », a-t-il martelé. Une formule puissante, qui dit l’urgence de réparer, de décider, de juger sans lenteurs complices ni délais injustifiés.

En somme, cette séance aura été fondatrice. Elle aura mis en lumière une posture de gouvernement fondée sur la clarté, la responsabilité et l’autorité républicaine. Dans un monde saturé d’émotions, de provocations et de petites phrases, elle trace un chemin : celui d’un pouvoir qui assume de gouverner, de répondre, de rétablir les règles du jeu.

Et si c’était cela, la véritable rupture ? Non pas l’esbroufe, mais l’ordre retrouvé. Non pas le fracas, mais le sérieux. Non pas l’indignation sur commande, mais l’exigence républicaine.

Il était temps.

Mamadou Sèye

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