Le vacarme est de retour à Washington

Par Mamadou Sèye

Donald Trump, réinstallé à la Maison-Blanche, n’a rien perdu de son instinct pour la provocation, l’outrance et le calcul politique à haut risque. A peine revenu aux affaires, il multiplie les décisions brutales et les prises de position clivantes. Dernière en date : un projet de taxation renforcée des transferts d’argent vers l’Afrique. Comme si cela ne suffisait pas, le président américain vient d’entrer en conflit ouvert avec Elon Musk, qu’il n’a pas hésité à traiter de « fou », dans un clash mêlant politique, technologie et ego hypertrophié. Ce n’est pas un simple épisode de la série Trump. C’est un signal. Et c’est une menace.

Taxer davantage les transferts d’argent vers l’Afrique, c’est s’attaquer à une des sources les plus stables et vitales de revenu pour des millions de familles africaines. Chaque année, nos diasporas envoient des milliards de dollars pour subvenir aux besoins de leurs proches, soutenir des soins médicaux, payer des études ou participer à des projets communautaires. Ces flux, silencieux mais fondamentaux, irriguent nos économies de proximité bien plus que bien des programmes internationaux. Ce que Trump présente comme une mesure de souveraineté économique n’est en réalité qu’un coup porté aux plus vulnérables, une injustice camouflée sous le masque de la fermeté.

Il faut le dire sans détour : Trump n’a pas changé. Il revient avec les mêmes recettes qu’hier : l’Amérique d’abord, le monde après – ou jamais. Sa politique repose sur la fermeture, le soupçon, la stigmatisation. Il désigne des ennemis pour mieux galvaniser sa base électorale. Il transforme les flux humains, les échanges, les coopérations, en menaces potentielles. Aujourd’hui, ce n’est plus un candidat qui promet – c’est un président qui applique. Et ce qui tenait hier du théâtre politique devient aujourd’hui une doctrine d’Etat.

Face à cela, nos dirigeants africains ne peuvent plus se contenter de l’indignation rituelle. Ils doivent porter une réponse politique ferme, lucide et collective. Il faut d’abord inscrire ce dossier à l’agenda de l’Union africaine, afin de formuler une riposte concertée et crédible. Il convient aussi d’engager sans délai des discussions bilatérales et multilatérales avec les institutions financières américaines, qui opèrent dans nos territoires et traitent les transferts, pour les alerter sur les conséquences humaines et économiques de cette mesure.

Parallèlement, il est urgent d’investir dans des mécanismes intra-africains de transfert d’argent, à la fois souverains, fiables et accessibles, en s’appuyant sur les fintechs africaines émergentes. L’extension du réseau de paiement mobile transfrontalier, interopérable et régulé serait une réponse technique et stratégique. Enfin, des conventions fiscales de protection pourraient être négociées avec certains Etats américains fédérés, pour protéger partiellement les envois des diasporas en situation régulière.

Cette crise doit surtout nous réveiller : peut-on continuer à bâtir notre avenir sur des flux financiers venus d’ailleurs ? La dépendance, même fraternelle, finit toujours par coûter cher. Ce débat sur les transferts révèle une faille structurelle : celle d’une économie extravertie, trop peu fondée sur nos ressources internes, trop soumise aux caprices géopolitiques.

Trump, fidèle à lui-même, multiplie les provocations. Ce n’est pas nouveau. Mais ce qui serait grave, ce serait notre silence. L’Afrique n’a pas à s’excuser d’exister. Elle n’a pas à quémander la considération. Il est temps d’imposer le respect, non pas par les cris ou les complaintes, mais par la cohérence, la solidarité, la stratégie. Trump est à nouveau président des Etats-Unis. Soit. Mais il ne nous gouverne pas.


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