Manifester en paix : une exigence démocratique

Par Mamadou Sèye

Depuis plusieurs semaines, le Sénégal a montré qu’il était parfaitement capable d’organiser des rassemblements politiques autorisés dans le calme et la dignité. Plusieurs organisations ont tenu des manifestations sans que l’on constate la moindre turbulence, illustrant ainsi la maturité de notre peuple et la solidité de nos institutions. C’est dans cette dynamique sereine et républicaine qu’a été annoncée la grande rencontre du 8 novembre prochain, au parking du stade Léopold-Sédar-Senghor, à l’initiative du Président de PASTEF, Ousmane Sonko. L’événement suscite un engouement indéniable, révélateur d’une attente citoyenne et d’une adhésion populaire qui ne relèvent pas de la simple agitation politicienne.

Pourtant, depuis cette annonce, on observe soudain l’agitation de quelques voix périphériques, cherchant à perturber la préparation de ce rassemblement. Ces prises de position, souvent émises depuis des plateformes réduites ou des réseaux invisibles sur le terrain, posent question. Qui veulent-elles satisfaire ? Quel objectif poursuivent-elles réellement ? Il est clair que ces initiatives ne s’appuient pas sur une base sociale significative, mais plutôt sur la crainte, de plus en plus palpable, face à une mobilisation qui s’annonce considérable. L’argument de la provocation est brandi pour mieux masquer un déficit de mobilisation ailleurs, une difficulté à rassembler, et parfois un refus d’accepter la dynamique propre au pluralisme démocratique.

Car il faut le rappeler : manifester est un droit. Un droit constitutionnel, protégé, reconnu, réglementé et encadré par l’Etat. Aucun citoyen, aucune organisation, aucune mouvance, ne peut prétendre confisquer cet espace sous prétexte de rivalités partisanes. La démocratie exige que chaque composante de la Nation puisse se réunir librement, exprimer ses idées et occuper symboliquement la rue lorsque les institutions compétentes en donnent l’autorisation. Ce qui est valable pour les uns doit l’être pour les autres. Toute tentative visant à entraver ce principe est une entorse directe au pacte républicain.

L’ampleur attendue du 8 novembre ne fait désormais aucun doute. Des militants et sympathisants préparent leur déplacement depuis toutes les régions du pays. Plus encore, la diaspora manifeste son intention de prendre part à ce rendez-vous. Il est rare de voir des compatriotes acheter des billets, quitter leurs emplois et leurs obligations quotidiennes pour participer à une simple réunion politique à Dakar. Ce phénomène ne se décrète pas. Il ne s’achète pas. Il se mérite. Et c’est précisément cette ferveur, authentique, spontanée, qui dérange certains acteurs aujourd’hui. Là où d’autres peinent à remplir une salle, PASTEF parvient à remplir l’espace public.

Face à cette affluence annoncée, il revient aux autorités compétentes de prendre toutes les mesures préventives nécessaires. L’encadrement policier, la sécurisation des accès, la prévention des provocations extérieures, et la neutralité institutionnelle seront déterminants. Le rôle de l’Etat est d’anticiper. Anticiper, c’est éviter les dérapages. Anticiper, c’est empêcher les affrontements. Anticiper, c’est garantir que personne n’instrumentalise ce moment pour semer le chaos. Le Sénégal n’a plus le luxe de jouer avec le feu, tant les blessures encore récentes de notre histoire politique ont laissé des cicatrices profondes dans les esprits.

Le danger, aujourd’hui, ne vient pas des manifestants autorisés mais de groupes opportunistes, minoritaires, cherchant à faire exister leur discours en tentant de perturber celui des autres. Lorsque l’argument politique ne suffit plus, la provocation devient un refuge. Or, il faut être clair : provoquer un rassemblement de masse, c’est prendre le risque de créer des tensions irréversibles. Ceux qui s’y aventureraient porteraient non seulement la responsabilité morale des débordements éventuels, mais également une responsabilité juridique. Personne ne peut ignorer cela.

Le Sénégal est une démocratie, et la maturité démocratique se mesure à notre capacité collective à accepter la visibilité de l’adversaire. L’ennemi politique n’est pas un ennemi national. L’adversaire électoral n’est pas un ennemi de la République. L’expression publique d’une formation politique n’est pas une agression contre la Nation. Lorsque certains manient l’amalgame ou attisent la peur, ils affaiblissent d’abord les fondements mêmes de notre vivre-ensemble.

Il convient également de souligner que ces tentatives de perturbation révèlent, involontairement, une dynamique inverse : celles et ceux qui peinent à mobiliser cherchent trop souvent à empêcher les autres de le faire. C’est une constante en politique lorsqu’on n’est pas sûr de son ancrage : on conteste moins le discours de l’adversaire qu’on tente de bloquer l’expression de sa popularité. Mais le peuple sénégalais a désormais une mémoire politique. Il observe. Il compare. Il tire des conclusions. Et aucune communication de dernière minute ne pourra altérer les images qu’il se fait lui-même, dans la rue.

Le 8 novembre sera un moment d’expression politique, certes, mais surtout un test de civilité démocratique. Les acteurs politiques responsables appelleront au calme, à la discipline, au respect des instructions des forces de l’ordre et au civisme. Les institutions seront jugées sur leur impartialité. Les provocateurs seront observés pour ce qu’ils sont : des artisans du désordre. La rue appartient à tout le monde, mais elle ne doit être confisquée par personne. Celui qui ne peut démontrer une force de mobilisation ne doit pas chercher à camoufler sa faiblesse sous la forme d’une agitation destructrice. Les Sénégalais attendent de leurs dirigeants, de leurs partis et de leurs cadres une posture d’apaisement. Ils en ont assez des tensions artificielles, des discours incendiaires et des calculs qui mettent en péril la cohésion nationale. Nous devons regarder les manifestations non pas comme des compétitions de virilité politique, mais comme des indicateurs de vitalité démocratique. Rendez-vous donc le 8 novembre. Dans la discipline. Dans le civisme. Dans le respect.

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