Quand la rue se cherche… et quand elle répond

Par Mamadou Sèye

La marche de l’opposition, comme convenu, s’est tenue hier. Ce qu’il convient d’abord de saluer, c’est que ce type de mobilisation — qu’elle émane de l’opposition institutionnelle ou de certains regroupements militants — est désormais régulièrement autorisé. Ce simple détail, qui n’en est pas un, marque une rupture nette avec les réflexes d’antan. L’Etat, loin d’adopter une posture crispée, assume désormais que l’expression publique de la contestation est une exigence démocratique, point final.

Pour dire vrai, le pouvoir n’a aucune difficulté particulière à laisser se dérouler ces manifestations. La raison en est simple : les populations, pour l’essentiel, restent insensibles à ces appels politiques. Les slogans ne mordent pas, les messages n’impriment plus. Hier, par exemple, objectivement, la marche n’a accueilli aucun présidentiable crédible pour la prochaine élection présidentielle. C’est un fait, et il est têtu.

Le discours sur la vie chère, pourtant potentiellement explosif, ne provoque pas l’embrasement espéré. Les ressorts traditionnels de la mobilisation ne répondent plus. On a assisté, en vérité, à une ambiance presque bon enfant. Les forces de défense et de sécurité observaient la scène avec un mélange de vigilance de métier et de sérénité. Les hommes savaient qu’ils pourraient profiter de leur week-end sans dommages collatéraux, sans tension particulière. Pas d’alertes. Rien. Absolument rien.

Le contraste est saisissant lorsque l’on se rappelle ce que fut l’opposition portée par PASTEF et Ousmane Sonko. Là, on assistait à des marées humaines, des foules organiques, vibrantes, massives, galvanisées. Rien à voir avec la mobilisation d’hier. Ce n’est pas un jugement de valeur, c’est un constat sociopolitique.

Et puis il y a l’autre élément — le charme de la démocratie. Quand Ousmane Sonko lance un appel pour le 8 novembre, l’écho est saisissant. Une vague. Une pulsation populaire diffuse, mais perceptible. On a vu, par exemple, des compatriotes monter à bord d’un avion affrété pour regagner Dakar. La mobilisation n’est pas seulement nationale : elle est internationale. Les réseaux, les diasporas, les sympathies étrangères s’agitent, s’organisent, s’échauffent. Avant même l’heure, une démonstration de force silencieuse s’ébauche.

L’immense aura de Sonko reste intacte. Et ce n’est pas tout : ces derniers jours, il s’est affiché côte à côte avec le Président Bassirou Diomaye Faye, les deux hommes arborant un sourire complice. Une image anodine pour certains, mais dévastatrice pour d’autres. Car cette simple posture publique a anéanti les espoirs de ceux qui souhaitent, rêvent et travaillent — en vain — à une brouille entre les deux hommes. Ils y croyaient, ils y travaillent encore, mais la réalité les dément. Le tandem, pour l’instant, tient debout.

Pendant que certains défilent dans l’indifférence générale, Sonko convoque — et l’on accourt. La mécanique de l’enthousiasme populaire semble lui obéir encore. Et, paradoxe admirable, c’est parce que l’Etat laisse faire que la température politique demeure stable. Autoriser apaise. Interdire enflamme.

Au fond, derrière l’ambiance calme du jour, la rue chuchote une vérité simple : toutes les oppositions ne se valent pas. Certaines marchent… d’autres mobilisent.

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