Par Mamadou Sèye
Camarades, la marche de l’opposition n’ayant pas drainé la foule escomptée, certains ont cru devoir se réfugier dans le trafic d’images. Une photo spectaculaire a circulé, censée illustrer la mobilisation d’hier, alors qu’elle provenait en réalité d’une ancienne manifestation de Yewwi Askan Wi. Le détail est cocasse : on y distingue une image par la suite maladroitement détourée de Pape Abdoulaye Touré, symbole d’une époque de violences politiques. A ce niveau, on ne parle plus de communication, mais de bricolage.
Ceux qui se livrent à de telles manipulations semblent ignorer la sophistication des outils numériques contemporains. Métadonnées, archives, reconnaissance visuelle, horodatage : tout trahit, tout révèle. On n’est plus au temps où l’on pouvait truquer une foule avec un simple coup de crayon. En 2025, la supercherie se détecte en quelques secondes. Et celui qui triche se décrédibilise pour longtemps.
On ne peut pas tromper les masses populaires. La foule n’est pas un effet spécial. La confiance n’est pas un collage. Quand le peuple divorce, il ne revient pas pour un photomontage. C’est l’écoute, le courage, et la cohérence qui réparent les liens politiques — jamais les faux-semblants.
Ce recours pathétique à la foule fictive révèle surtout une vérité plus profonde : quand on ne mobilise plus, on simule. Quand l’élan social vous échappe, on tente de l’acheter en pixels. Et lorsque la politique se réduit au trompe-l’œil, elle avoue son impuissance.
Car au fond, une image gonflée artificiellement, c’est aussi un aveu d’insécurité politique. On cherche à prouver ce qu’on n’a plus. On exhibe une puissance que la rue n’a pas confirmée. On mime la ferveur pour cacher l’indifférence. Mais le peuple, lui, n’est pas dupé : il a la mémoire des foules vraies, rugissantes, charnelles — celles que Photoshop ne peut pas reproduire.
Dans toutes les disciplines humaines, la triche est condamnable. A l’école, elle sanctionne. Sur le terrain, elle disqualifie. En politique, elle déshonore. Elle enterre la confiance, ridiculise l’auteur, et frappe là où ça fait le plus mal : dans la crédibilité publique.
Que ceux qui se livrent à ces pratiques retiennent au moins ceci : la foule qu’on invente signe la foule qui vous manque. Et dans la bataille des images, la plus redoutable reste celle — bien réelle — qui ne vient plus.