Reddition des comptes : Ismaïla Madior Fall, la tentation de l’empressement

Par Mamadou Sèye

Depuis quelques jours, le Sénégal vit au rythme d’une actualité politique dense, marquée notamment par la demande de mise en accusation de cinq anciens ministres devant la Haute Cour de justice. Parmi les noms cités figure celui de M. Ismaïla Madior Fall, ancien garde des Sceaux et ancien ministre des Affaires étrangères sous Macky Sall.

Connu pour son érudition et sa réserve légendaire, M. Fall a surpris son monde en s’exprimant avec une certaine fébrilité lors d’une apparition télévisée sur 7TV. Manifestement, l’ancien ministre a tenu à livrer sa version des faits sans attendre les évolutions institutionnelles prévues.

Mettant en cause l’actuel ministre de la Justice, il a déclaré que sa présence sur la liste des personnalités visées n’était le fait d’aucune commission d’enquête parlementaire, mais d’une décision prise à l’initiative du Garde des Sceaux lui-même. Il est même allé jusqu’à évoquer une proposition de 50 millions qu’il aurait déclinée et a cité l’ancienne ministre Me Aïssata Tall Sall comme témoin potentiel pour l’innocenter.

On aurait pu comprendre ce besoin instinctif de se défendre, tant la gravité d’une telle accusation peut ébranler une carrière. Mais en politique comme dans la vie judiciaire, le silence stratégique est souvent plus éloquent que les protestations hâtives.

Pourquoi, en effet, anticiper autant sur une procédure encore balbutiante ? Pourquoi impliquer si tôt d’autres personnalités dans son argumentaire de défense, alors même que l’heure n’était qu’à l’annonce des poursuites envisagées ?

Autant de questions que l’observateur neutre est en droit de se poser, sans pour autant jeter la pierre à l’ancien ministre. Car il faut le rappeler : à ce stade, chacun doit bénéficier de la présomption d’innocence et du droit de faire valoir ses moyens de défense dans la dignité et la sérénité.

En définitive, M. Ismaïla Madior Fall aurait pu choisir la posture du stoïcisme et de la confiance tranquille. Au lieu de cela, il a préféré une intervention précipitée dont l’histoire retiendra qu’elle a, sans doute, soulevé plus d’interrogations qu’elle n’a apporté de réponses.

Attendons sereinement que les faits parlent d’eux-mêmes. Car dans ces moments, ce sont souvent les gestes précoces qui dévoilent le plus.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *