Quand la détestation devient méthode politique
Par Mamadou Sèye
Il faut croire que pour une certaine classe politique et médiatique sénégalaise, Ousmane Sonko n’a plus le droit de respirer sans déclencher une tempête de venins. Qu’il parle d’économie, de souveraineté ou de réforme monétaire, le réflexe pavlovien de la haine se met aussitôt en marche. On ne l’écoute plus pour comprendre, mais pour guetter le mot à déformer.
Et ce qui s’est passé après le Forum Invest in Senegal en est la preuve éclatante.
Le Premier ministre a simplement déclaré que le partenariat avec le FMI est important, mais que ce n’est pas ce qui développera notre pays, car le Sénégal doit d’abord compter sur lui-même.
Une vérité d’une simplicité biblique. Où est donc le scandale ? Depuis quand dire à son peuple qu’il doit miser sur ses propres forces est-il devenu une faute diplomatique ?
Ceux qui s’en offusquent font semblant d’oublier que toutes les nations émergentes ont suivi cette voie. La Corée du Sud, le Vietnam ou Singapour n’ont jamais attendu la bénédiction du FMI pour construire leurs modèles. Aucun pays n’a été développé par le FMI. Ces institutions accompagnent, elles ne remplacent pas la volonté nationale.
Sonko a donc formulé ce que tout dirigeant lucide devrait dire : collaborer, oui ; dépendre, jamais.
Mais la mauvaise foi a ses temples et ses fidèles. Son propos a été sorti de son contexte pour nourrir une manipulation politique grossière : faire croire que Sonko attaque le FMI et compromet le partenariat en cours.
Le calcul est mesquin, mais révélateur. Certains espèrent même que le FMI se fâche contre le Sénégal, juste pour savourer un revers diplomatique. C’est dire à quel point la détestation personnelle a pris le pas sur le patriotisme.
On ne combat plus un projet, on guette un échec, quitte à en faire payer le prix au pays tout entier.
La fabrication d’un faux duel
Comme si cela ne suffisait pas, on a tenté d’instrumentaliser un autre propos du Premier ministre, cette fois sur le franc CFA, tenu en présence du Président Bassirou Diomaye Faye.
Sonko a affirmé que les chefs d’Etat africains doivent assumer leurs responsabilités sur la question monétaire.
Une évidence politique devenue, par la magie du mensonge, une soi-disant “humiliation” infligée au chef de l’Etat.
Rien n’est plus grotesque.
Ceux qui agitent cette thèse savent pourtant que Sonko et Diomaye Faye forment un duo d’une cohérence rare.
L’un porte la rigueur du discours et la franchise du verbe ; l’autre incarne la sérénité de l’action et la diplomatie du tempo.
Ils jouent chacun leur rôle avec clarté et cohérence : le Premier ministre, en sa qualité de président du PASTEF, assume la définition de la ligne politique du mouvement, tandis que le Président de la République, conformément à la Constitution, définit la politique de la Nation que le Premier ministre met en œuvre à la tête du gouvernement.
Les esprits retors, incapables de saisir cette articulation dialectique, s’empressent d’y voir une confusion des rôles.
Mais un bon dialecticien sait reconnaître la complémentarité des fonctions dans un même dessein : servir la Nation, chacun selon sa légitimité et sa mission.
Le franc CFA, miroir d’une hypocrisie collective
Sur le fond, le message de Sonko est limpide : tant que les pays africains ne reprendront pas la maîtrise de leur monnaie, ils demeureront prisonniers d’un schéma néocolonial.
Ce n’est ni une insulte ni une provocation, c’est un diagnostic lucide.
Il ne s’agit pas de brûler le CFA par passion révolutionnaire, mais de poser la question de la responsabilité politique.
Le problème n’est plus la France seule ; ce sont nos propres dirigeants, parfois trop à l’aise dans la dépendance.
Changer de monnaie n’est pas une incantation, c’est un acte réfléchi, concerté, assumé.
Et c’est justement ce que Sonko a rappelé : aux chefs d’Etat de faire face à l’histoire.
Mais dans un environnement où la servitude a longtemps été confondue avec la sagesse, dire la vérité est toujours perçu comme une insolence.
Une parole souveraine dans un monde crispé
Le Sénégal d’aujourd’hui ne veut plus réciter les leçons des bailleurs.
Il veut penser par lui-même, produire par lui-même, décider pour lui-même.
C’est le sens de la parole de Sonko : souverainiste, mais pas sectaire ; indépendante, mais pas isolée.
Et cela, pour beaucoup, est un crime de lèse-soumission.
Sonko ne commet aucune faute politique.
Il dit tout haut ce que beaucoup pensent tout bas : le développement ne se décrète pas depuis Washington ou Paris, il se construit depuis Thiès, Kaolack ou Tambacounda.
Le FMI n’est pas un ennemi, mais il n’est pas non plus un sauveur.
Il accompagne, il conseille, mais il ne bâtit ni la dignité ni la souveraineté.
Cette responsabilité appartient au peuple sénégalais et à son leadership.
La peur de la cohérence
Ceux qui s’acharnent à déformer ses propos ne défendent pas le FMI ni la coopération internationale ; ils défendent leurs frustrations et leurs nostalgies perdues.
Ce qu’ils redoutent, c’est la cohérence d’un projet politique qui leur échappe, la stabilité d’un tandem présidentiel qui fonctionne, la lucidité d’une génération qui ne demande plus la permission d’exister.
Ils voulaient un Sonko impulsif et un Diomaye effacé ; ils découvrent deux hommes sereins, méthodiques, unis par une vision claire.
Ils voulaient un désordre, ils trouvent une discipline.
Ils voulaient un chaos, ils récoltent un Etat en reconstruction.
Alors, faute d’arguments, ils inventent des scandales.
Mais pendant qu’ils bavardent, le Sénégal avance.
Et c’est bien là, camarade, le vrai scandale.