Par Mamadou Sèye
Le secteur de la presse sénégalaise a ceci de particulier : il se plaint parfois bruyamment de l’indifférence du pouvoir, et lorsqu’un ministre s’y intéresse véritablement, il se heurte à une méfiance presque systémique. Aliou Sall, ministre de la Communication, des Télécommunications et du Numérique, en fait l’expérience. Il essuie des critiques injustes, soupçonné de vouloir « tuer » un secteur qu’il s’évertue pourtant à réformer avec méthode, prudence et sens du dialogue.
Mais qu’on se le dise : Aliou Sall n’a ni le profil, ni l’agenda d’un liquidateur. Au contraire. Il incarne une volonté politique claire, partagée au plus haut niveau de l’Etat, de remettre de l’ordre dans un domaine stratégique, mais traversé par des fragilités structurelles profondes. Et il faudra bien s’y faire : ce secteur, tout le monde en convient aujourd’hui, mérite d’être restructuré, assaini et modernisé.
Le Code de la presse, que les nouvelles autorités ont trouvé en place, n’est pas de son initiative. Il est le fruit d’un long processus législatif engagé bien avant son arrivée. Ce que fait Aliou Sall aujourd’hui, avec ses services, c’est travailler à sa mise en œuvre effective en y associant les principaux acteurs du secteur. Des démarches participatives ont été entamées, des consultations tenues, des passerelles ouvertes pour que les réformes ne soient pas perçues comme une punition, mais comme une opportunité.
C’est dire que le ministère est dans une logique d’accompagnement, et non de confrontation. Il s’agit de construire des ponts entre les exigences de la gouvernance moderne, les réalités du marché médiatique, et les aspirations légitimes des professionnels de la presse. Ceux qui caricaturent cette démarche le font par habitude, ou par peur du changement.
Et pourtant, il faut regarder les choses avec lucidité. Le secteur médiatique sénégalais ne peut plus continuer à fonctionner comme une zone de non-droit. Il ne peut plus rester cette terre d’exception où le non-paiement des journalistes, l’absence de conventions collectives, l’opacité financière ou les radios sans licence deviennent la norme. Il faut de la rigueur. Il faut de la régulation. Il faut de la justice pour les journalistes comme pour les entreprises sérieuses.
Aliou Sall, que certains veulent réduire à une cible facile, bénéficie d’une confiance totale du Président de la République et du Premier ministre. Et ce n’est pas pour rien. Le chef de l’État avait prévenu : « Je veux des ministres forts ». Et il avait, en toute franchise, lancé aux patrons de presse : « Vous seriez venus à moi, cela n’aurait rien changé. » Ce que cela signifie ? Que la République avance. Que les décisions prises sont réfléchies. Et que le moment est venu de traiter sérieusement les dossiers structurants, au lieu de se réfugier dans les complaintes.
Si l’on regarde froidement les enjeux du moment – structurer le secteur, le professionnaliser, garantir aux journalistes un cadre digne – alors la démarche du ministre apparaît non pas comme brutale, mais comme salutaire. Ce n’est pas lui, mais le désordre qui menace la presse. Ce n’est pas lui, mais l’immobilisme qui hypothèque sa survie.
Il est de notre responsabilité, en toute objectivité, de rappeler que réformer ce secteur, ce n’est pas l’étrangler. C’est au contraire lui donner de l’oxygène. C’est construire les conditions de son indépendance durable. C’est faire en sorte que la liberté de la presse ne soit plus un slogan creux, mais une réalité adossée à des institutions fortes, à une économie viable, à un écosystème respecté.
Aliou Sall n’est pas là pour tuer la presse. Il est là pour l’aider à tenir debout. Et cette posture, loin d’être commode, exige du courage, du sang-froid, et surtout une vision. Il les a. Il faut maintenant que les autres suivent.