Par Mamadou Sèye
Alors que la riposte iranienne contre Israël précipite le monde dans une nouvelle ère de périls, la grande conférence de New York sur la Palestine est reportée pour des raisons de sécurité. Le Président Diomaye Faye devait y porter la voix du Sénégal. Ce report n’efface ni l’urgence de la paix, ni la responsabilité africaine face à la guerre.
Le vent de la guerre souffle à nouveau. Fort. Glacial. Lourd de menaces existentielles. Ce qui n’était qu’un crescendo de tensions au Moyen-Orient s’est brutalement transformé en confrontation frontale. Israël, pris dans une fuite en avant sécuritaire, a lancé des frappes audacieuses contre des installations sensibles en Iran. En retour, la riposte a été d’une ampleur inédite : des vagues de drones et de missiles ont illuminé le ciel israélien comme un feu d’apocalypse.
Dans ce tumulte, une autre nouvelle, apparemment discrète, ajoute à l’angoisse planétaire : la conférence internationale sur la Palestine, prévue à New York, a été reportée pour des raisons de sécurité. Le président sénégalais, Diomaye Faye, devait y participer. L’Afrique, une fois de plus, se retrouve à la fois en retrait et au cœur du désordre global. Ce report n’est pas anodin. Il signifie que les foyers du dialogue vacillent eux aussi, que les arènes du droit se referment face à la montée brutale de la force.
Mais ce n’est pas le moment de se taire. Ce n’est pas le moment de se replier dans un confort diplomatique. Ce n’est pas le moment d’adopter le silence prudent des continents lointains. Car aucun continent n’est à l’abri. Les guerres d’aujourd’hui sont des guerres sans frontières. Les missiles tirés dans le désert persique ont des répercussions dans les marchés de Dakar, de Lagos, d’Abidjan ou du Caire. La flambée des prix du carburant, la fragilité des chaînes d’approvisionnement, la nervosité des investisseurs et l’explosion des budgets militaires affectent les économies déjà éprouvées du Sud.
Mais il y a plus grave encore que les effets économiques. Il y a l’enjeu moral. L’Afrique, longtemps dominée, colonisée, silencée, ne peut continuer de regarder le monde s’embraser sans dire mot. Car qui mieux qu’un continent qui a connu l’oppression peut rappeler l’urgence de la justice ? Qui mieux que des peuples qui ont pleuré dans l’indifférence peut s’ériger en vigie pour les peuples aujourd’hui martyrisés ? La Palestine n’est pas une question géographique. C’est une question d’humanité. De droit. De mémoire. Et d’avenir.
Le report de la conférence de New York ne doit pas éteindre l’élan. Au contraire. Il faut saisir cette interruption comme un espace de sursaut. Que le Sénégal, dont la tradition diplomatique est respectée, prenne la parole autrement : dans les enceintes africaines, à la tribune de l’Union africaine, dans les forums internationaux, dans la presse mondiale. Car la voix africaine manque. Elle est attendue. Elle peut, à défaut de changer immédiatement le cours de la guerre, rappeler que l’histoire ne pardonne jamais le silence des justes.
La logique de destruction est désormais lancée. Chaque camp s’arme, menace, frappe, justifie. Les grandes puissances se positionnent, certaines en arbitres, d’autres en pyromanes. Mais les peuples, eux, vivent dans l’angoisse. Les familles palestiniennes enterrent leurs morts. Les familles israéliennes fuient les abris. Les Iraniens se préparent à de nouvelles représailles. Et les Africains, eux, perçoivent déjà l’onde de choc.
Dans ce désordre, le rôle d’un chef d’Etat africain comme Diomaye Faye peut dépasser les schémas classiques. Il peut être porteur d’une voix qui refuse l’alignement, qui refuse les hypocrisies diplomatiques, qui s’élève au nom de l’humanité partagée. Même si la conférence de New York est reportée, le message reste valable, nécessaire, et peut résonner plus fort encore.
L’Afrique ne doit pas choisir entre l’Iran et Israël. Elle doit choisir la paix. Elle ne doit pas soutenir une guerre juste, mais réclamer une paix juste. Elle ne doit pas dire qui a le droit de bombarder, mais rappeler que chaque bombe détruit un peu plus l’avenir commun.
Les conférences peuvent être suspendues. Les missiles peuvent pleuvoir. Les alliances peuvent se durcir. Mais l’humanité, elle, n’a pas le droit de s’effacer.
L’Afrique doit parler. Maintenant. Avec courage, avec dignité, avec clarté.