Sonko-Makosso, ou quand deux Premiers ministres ouvrent un nouveau chapitre de l’Afrique qui coopère avec elle-même

Par Mamadou Sèye

Dakar a connu ce week-end un moment diplomatique d’une densité rare. Deux Premiers ministres africains – Ousmane Sonko pour le Sénégal, Anatole Collinet Makosso pour le Congo – ont partagé une conférence de presse qui restera dans les annales. Pourquoi ? Parce qu’ils ont fait ce que tant d’autres n’ont pas osé : parler vrai, parler utile, parler Afrique. Loin des communiqués insipides, des phrases creuses et des sourires forcés, cette rencontre a été celle de deux dirigeants qui veulent ouvrir un nouveau chapitre dans les relations Sud-Sud. Et surtout, dans les relations Afrique-Afrique, ce continent qui doit d’abord se faire confiance à lui-même.

Ce qu’Ousmane Sonko a livré ce jour-là, ce n’est pas un discours de circonstance. C’est une vision. Celle d’un continent qui cesse de quémander, qui cesse de se regarder dans les yeux de ses créanciers, qui ose désormais négocier d’égal à égal. Il a rappelé – chiffres à l’appui – que seulement 16 % du commerce africain se fait entre pays africains. Un chiffre révoltant, dans un continent de plus d’un milliard d’êtres humains, avec une jeunesse dynamique, des ressources naturelles inégalées et une diversité culturelle féconde.

Mais Sonko ne s’est pas arrêté au constat. Il a posé des actes. La relance de la commission mixte entre le Sénégal et le Congo, gelée depuis 2018, en est un. L’installation d’un comité technique commun en est un autre. Les secteurs visés – agriculture, énergie, forêts, hydraulique – ne sont pas anodins. Ils sont au cœur de notre souveraineté économique et écologique. Et l’un des signaux les plus forts envoyés par cette conférence, c’est la suspension du contrat d’affermage de la Senelec au Congo, en attendant une révision conforme à la transparence et aux intérêts réciproques.

Cette lucidité, cette exigence de respect mutuel, marque un virage. Sonko ne parle pas contre les puissances étrangères : il parle d’abord pour l’Afrique. Il n’oppose pas les peuples, il cherche des convergences concrètes. Et Makosso, par sa présence, son franc-parler et sa volonté d’agir, s’est montré à la hauteur de cette dynamique. Deux Premiers ministres, un même souffle panafricain.

Ce qui se joue ici est plus vaste qu’un partenariat bilatéral. C’est l’émergence d’un nouvel esprit : l’Afrique coopère avec elle-même, sans passer par un tiers. L’Afrique se fait confiance. L’Afrique négocie, produit, échange, et bâtit ses propres institutions de régulation. Cette nouvelle grammaire diplomatique est exigeante. Elle demande du courage, de la constance, et des peuples vigilants. Mais elle est possible. Elle est même déjà en marche.

Et si Dakar est aujourd’hui le théâtre de cette renaissance politique africaine, c’est parce qu’un vent nouveau souffle. Ce vent-là ne renverse pas tout sur son passage : il redresse, reconstruit, réoriente. Il ne promet pas des lendemains magiques, mais il trace une route, sobre et forte. L’histoire jugera. Mais l’Histoire, parfois, commence dans une salle de presse, entre deux chefs de gouvernement qui osent penser l’Afrique autrement.


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