Par Mamadou Sèye
L’APR a parlé. Ou plutôt, elle s’est tue dans le brouhaha d’une conférence de presse où, paradoxalement, elle a tenté de justifier son silence futur. Elle ne participera pas au dialogue national prévu le 28 mai prochain. Une posture radicale, servie par une rhétorique de mauvais perdant et enveloppée dans de grands principes qui, à l’analyse, révèlent surtout un malaise existentiel. Car derrière le vernis de la dénonciation, se dessine l’image d’un parti qui ne sait plus faire face, ni à lui-même, ni à la Nation.
Le principal argument avancé ? Le manque de « neutralité » du processus, un dialogue dit-on « biaisé » parce que conduit par une autorité issue d’une élection dont l’APR conteste encore les dynamiques, sinon les résultats?. Mais cet argument ne résiste pas une seconde à l’épreuve du bon sens : depuis quand exige-t-on qu’un dialogue politique soit piloté par des gens sans pouvoir ni légitimité populaire ? L’histoire démocratique du Sénégal, comme celle d’ailleurs, a toujours vu les dialogues majeurs être impulsés par les régimes en place. La question n’est pas qui l’organise, mais dans quelles conditions, avec quelle ouverture, et avec quels objectifs. Et sur ces plans, l’initiative actuelle marque un tournant : aucune force politique, sociale ou religieuse n’en est exclue. Sauf à s’exclure soi-même.
Autre argument invoqué : « le climat de règlement de comptes », comme si les convocations judiciaires, les audits, les rapports publics et la reddition des comptes n’étaient qu’un écran de fumée pour masquer une vendetta politique. Là encore, le procès d’intention fait long feu. Depuis l’alternance, les procédures se succèdent, les dossiers sortent des tiroirs, les chiffres parlent : plus de 500 milliards de francs CFA en jeu selon plusieurs sources officielles. Devrait-on arrêter ce travail au motif que certaines figures politiques sont éclaboussées ? Ce serait là une insulte à l’intelligence collective et à l’exigence éthique portée par les Sénégalais lors de l’élection présidentielle.
Enfin, certains cadres de l’APR évoquent la « volonté d’humiliation » du régime actuel. C’est là un aveu plus qu’un argument. Si participer au dialogue revient à être confronté au réel, alors l’APR ne veut pas regarder ce réel en face. La vérité, camarade, c’est que cette formation politique, exsangue, disloquée, n’a plus les moyens de s’asseoir à la même table que ceux qui bâtissent l’avenir. Elle préfère le retrait, la plainte, le soupçon. Elle se prive ainsi de l’occasion de redorer son blason, de réorienter son discours, de peser dans les décisions de demain.
Mais qu’elle le sache : l’histoire ne retient pas les absents. Encore moins ceux qui tournent le dos aux opportunités de redressement national. Le dialogue du 28 mai sera un moment de clarification démocratique. L’APR a choisi de ne pas en être. C’est un choix. Mais c’est surtout une faute.
Et pendant que la République refonde ses piliers, d’autres s’accrochent à leurs ruines. Il y a les bâtisseurs. Et il y a les amnésiques.