Par Mamadou Sèye
Au rythme des révélations et des convocations du parquet financier, une chose devient claire : il ne s’agit plus seulement de fautes, mais de crimes. Le Sénégal découvre, abasourdi, l’étendue d’un banditisme d’Etat qui dépasse l’imagination. Le processus de reddition des comptes ne peut ni ralentir, ni reculer.
Il y a des moments où les mots se brisent contre la réalité. Des moments où la plume vacille tant le vertige moral est profond. Ce qui est en train d’être mis au jour dans ce pays dépasse la chronique judiciaire. C’est une hémorragie nationale. Un pillage méthodique. Un détournement élevé au rang de culture d’Etat.
Chaque jour, un nom. Chaque jour, une somme. Chaque jour, une autre facette de cette toile grasse, poisseuse, qui a capturé l’argent public au profit de quelques-uns. Des comptes d’avance détournés. Des fonds d’appui siphonnés. Des avantages fiscaux transformés en pompe à richesse privée. Et tout cela, au nez et à la barbe d’un peuple qu’on appelait à la résilience.
Aujourd’hui, le parquet financier convoque, interroge, place sous mandat de dépôt. Et soudain, ce ne sont plus des anonymes. Ce sont des enfants d’anciens Premiers ministres, des stars adulées, des figures installées du « Sénégal qui gagne ». Mais on ne gagne pas sur les ruines du bien commun. On ne bâtit pas une Nation sur les décombres de sa dignité.
Le risque de grippage ? Il existe, oui. Car l’appareil judiciaire n’a jamais été conçu pour gérer une telle masse de forfaitures. Mais la plus grande erreur serait de ralentir, par calcul politique ou par peur de l’onde de choc. Ce qui s’est passé est d’une gravité telle qu’aucun apaisement ne saurait se faire sans vérité. Et sans justice.
Ce n’est pas une chasse aux sorcières. C’est un acte chirurgical de sauvetage républicain. Car ces crimes économiques ne sont pas que des chiffres dans un rapport. Ils sont des enfants non scolarisés. Des malades sans soins. Des routes jamais construites. Ils sont des vies brisées par le mensonge d’un développement confisqué.
Il ne faut pas charger pour charger. Mais il faut nommer les choses : nous avons vécu sous un régime de prédation sophistiquée, où des clans ont érigé le vol en modèle de gouvernance. Ce système doit être démantelé, pièce par pièce, avec rigueur, méthode, et sans compassion pour les mafias en costume.
Le Sénégal est debout. Il veut comprendre. Il veut voir. Il veut que la République se lave. Que l’impunité recule. Et que jamais plus on ne lui vole sa sueur et ses rêves.
Ce combat n’est pas partisan. C’est un devoir d’humanité collective. Et si cela prend un mandat, alors qu’il y passe. Car il vaut mieux un mandat entier pour laver l’honneur du pays qu’un silence complice pour préserver la paix des voleurs.