Par Mamadou Sèye
A quelques encablures du Dialogue national convoqué pour le 28 mai, le moment est venu d’examiner, sans faux-fuyants, les grands chantiers d’une République à repenser. Institutions, vie politique, pacte social : les attentes sont immenses, les fractures profondes, et le temps de la refondation s’impose avec urgence.
Dans cette série en trois volets, nous proposons une lecture lucide mais constructive des enjeux majeurs qui sous-tendent ce rendez-vous politique inédit. Trois jours, trois textes, pour interroger ce qui fait encore socle, ce qui doit être réparé, et ce qu’il faudra oser réinventer.
Justice, Constitution, Institutions : pour un socle républicain rénové
Premier acte de notre série éditoriale consacrée aux enjeux du Dialogue national : la refondation des institutions. Entre exigence d’indépendance de la justice, réforme du parrainage et rééquilibrage des pouvoirs, c’est toute l’architecture républicaine qui appelle une révision lucide, profonde et courageuse.
Le Dialogue national annoncé par le président de la République pour ce 28 mai s’ouvre dans un contexte à la fois chargé d’attentes et traversé par une prudence méfiante. Si les formations politiques, à l’exception notable de l’APR, ont massivement répondu présent, c’est que les sujets à l’ordre du jour résonnent avec les urgences les plus pressantes du pacte républicain. A commencer par les institutions.
La justice, dans l’opinion, n’est pas tant remise en cause pour son arsenal juridique que pour sa perception : celle d’un outil trop souvent inféodé à l’exécutif, prompt à frapper selon les vents du pouvoir. Le débat sur la présidence du Conseil supérieur de la magistrature cristallise ces tensions. Certes, le président de la République a clairement exprimé que « le moment n’était pas encore venu » pour se retirer de cette instance. Une déclaration nuancée, qui laisse entendre que l’évolution est envisagée, mais dans un temps mûrement réfléchi.
Cette posture ouvre justement un espace de réflexion pour le dialogue : faut-il aller vers un modèle dans lequel l’indépendance de la magistrature ne serait plus symbolique, mais réelle et perçue comme telle ? La question ne saurait être évacuée.
Autre point sensible : le Conseil constitutionnel. Devenu arbitre ultime des joutes électorales, il concentre désormais une puissance juridique qui appelle à la transparence dans ses modes de désignation, ses délibérations et ses compétences. La proposition d’une Cour constitutionnelle élargie, inspirée de modèles africains ou européens, pourrait faire son chemin.
Vient ensuite le système de parrainage. Instrument supposé trier les candidatures farfelues, il est aujourd’hui soupçonné d’être une barrière politique discrétionnaire. Que l’on l’aménage, le réforme ou le remplace, il devra répondre à une exigence simple : gagner en crédibilité démocratique.
En toile de fond, ce dialogue offre aussi une occasion unique de questionner le fonctionnement global des institutions : faut-il renforcer les contre-pouvoirs ? Instaurer un bicamérisme véritable ? Limiter certains pouvoirs présidentiels ? La République du futur ne pourra pas reposer sur les rafistolages du passé.
Ce qui est en jeu, en réalité, dépasse la technique : il s’agit de rétablir un lien de confiance entre les citoyens et les institutions. Refaire République, c’est commencer par réaffirmer les règles du jeu, et les rendre dignes de ceux à qui elles s’appliquent.