Emprunt obligataire de 300 milliards : un acte de souveraineté économique, pas de dépendance

Par Mamadou Sèye

L’Etat du Sénégal lance un emprunt obligataire sur le marché de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) du 19 au 30 juin, avec un objectif de 300 milliards de FCFA. Cette initiative provoque déjà quelques réactions faussement indignées, comme si recourir au marché financier régional relevait du péché d’Etat. Il est temps de remettre les pendules à l’heure.

Il faut commencer par le dire avec clarté : aucun pays, fut-il riche en ressources naturelles ou fort d’un appareil productif dynamique, ne finance son développement sans emprunter. La dette, lorsqu’elle est bien orientée, bien négociée et transparente, n’est pas un fardeau, mais un instrument de souveraineté et de projection dans l’avenir. Ce nouvel emprunt obligataire en est la parfaite illustration. Il permet au Sénégal de mobiliser des ressources rapidement, à des taux maîtrisés, sur un marché régional structuré, sans subir les diktats de partenaires extérieurs.

Il s’agit ici d’un emprunt domestique élargi à l’espace UEMOA, où l’Etat sénégalais, comme d’autres, sollicite l’épargne publique et privée pour financer ses priorités. Et contrairement à ce que certains tentent de faire croire, il ne s’agit nullement d’un aveu d’échec budgétaire ou d’un affaissement économique, mais d’un choix assumé dans une période de relance et de transition post-crise.

L’endettement devient un problème quand il est mal orienté, mal géré ou lorsqu’il finance la routine. Ce n’est pas le cas ici. L’actuel gouvernement hérite d’un pays à forts besoins d’infrastructures, de réformes et de relance. Il ne peut se permettre l’immobilisme. Il faut investir dans les secteurs stratégiques, moderniser l’administration, renforcer la sécurité, accompagner les entreprises, finaliser les chantiers vitaux. Tout cela nécessite des ressources immédiates, alors que les recettes fiscales, même en progression, ne suffisent pas encore à couvrir tous les besoins.

Face à ce contexte, le recours à un emprunt obligataire est non seulement légitime, mais souhaitable. C’est une solution plus souple que les financements extérieurs, moins intrusive que les prêts conditionnés, plus maîtrisée que la mendicité diplomatique. En empruntant sur le marché régional, l’Etat parle à ses partenaires naturels : les banques, les compagnies d’assurance, les institutions de prévoyance sociale, les investisseurs africains. C’est une démarche de patriotisme économique.

Les voix qui s’élèvent contre cette décision semblent confondre dette toxique et gestion dynamique du financement public. Elles ignorent sans doute que des pays comme les Etats-Unis, la France ou l’Allemagne empruntent chaque mois pour financer leurs dépenses. Elles oublient que la vraie question n’est pas « faut-il emprunter ? », mais bien : « pour quoi faire, à quel coût, avec quel impact sur l’économie réelle ? ».

Ce que certains feignent d’ignorer, c’est que ce gouvernement n’a pas choisi la facilité. Il aurait pu geler les investissements, freiner les dépenses sociales, ralentir la machine de l’Etat en attendant des jours meilleurs. Il a choisi, au contraire, de maintenir l’ambition, de soutenir les secteurs productifs, d’éviter la casse sociale. Et pour cela, il prend ses responsabilités.

Ceux qui critiquent devraient se demander ce qu’ils auraient fait à sa place. Priver l’économie de liquidités ? Laisser les chantiers à l’abandon ? Geler les salaires et les subventions ? Ce serait irresponsable. Le peuple sénégalais attend de ses dirigeants non pas des leçons de pureté idéologique, mais des actes concrets pour améliorer la vie quotidienne.

Oui, la vigilance s’impose toujours en matière de dette. Mais elle ne doit pas se transformer en discours démagogique, encore moins en caricature politique. L’opinion a besoin d’éclairage, pas d’agitation. L’heure est au travail, pas à la posture.

Ce nouvel emprunt n’est ni un piège ni un aveu. C’est une preuve de confiance dans notre marché régional. C’est un appel à l’investissement national. C’est une respiration budgétaire pour affronter les défis du moment. Et c’est surtout le signe d’un Etat qui ne fuit pas ses responsabilités.

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