Gouverner n’est pas tweeter : halte aux donneurs de leçons professionnels

Par Mamadou Sèye

A peine élus, voilà que Diomaye et Sonko sont sommés de répondre à toutes les interpellations, même les plus présomptueuses. Comme si l’exercice du pouvoir devait se plier aux caprices d’une galerie en manque d’attention. Halte à l’infantilisation du leadership politique.

Il y a, dans notre espace public, une étrange engeance qui se croit investie d’un droit divin d’interpellation. Des voix qui surgissent à chaque décision de justice, à chaque nomination, à chaque initiative publique, pour distribuer bons points, avertissements, menaces voilées. A croire que la démocratie les autorise à tutoyer l’Etat, à siffler le gouvernement comme on sifflerait un retardataire dans une réunion d’anciens élèves.

Ces gens-là n’ont pas compris une chose fondamentale : gouverner, ce n’est pas répondre aux caprices de tous les matins. Ce n’est pas dialoguer avec chaque ego blessé. Ce n’est pas justifier chaque acte devant des micros tendus à la va-vite.

Depuis l’alternance du 24 mars, on voit émerger une impatience étrange, presque malsaine. Une forme de présomption politicienne qui veut que le Président ou le Premier ministre réagisse à la moindre joute verbale, à la plus petite interpellation déguisée en contribution. Comme si gérer un pays de 18 millions d’âmes devait s’interrompre au gré des postures et des agendas personnels.

Mais que l’on soit clair : le Sénégal est aujourd’hui dirigé par des hommes qui ont une vision, un cap, une méthode. Et non, ils ne vont pas abandonner les arbitrages macroéconomiques, les négociations diplomatiques, les urgences sociales, pour répondre à chaque citoyen surexcité, chaque ancien dignitaire mal recyclé, chaque militant en quête de buzz.

Nous ne sommes plus dans le temps du bavardage creux, des petites manœuvres politiciennes où une phrase bien tournée valait un strapontin. Nous sommes dans le temps de l’action, de la reconstruction, de la rigueur.

Ceux qui réclament à cor et à cri que Sonko ou Diomaye « répondent » à chaque tweet, à chaque commentaire, à chaque pique médiatique, oublient une chose simple : ce sont des hommes d’Etat, pas des influenceurs à plein temps. Ils n’ont ni à valider ni à justifier leur emploi du temps à des professionnels du commentaire permanent.

Gérer un Etat n’est pas une foire. C’est du sérieux. C’est du lourd. C’est du silence aussi, parfois. Du travail, surtout.

Cela ne veut pas dire qu’ils doivent se murer dans une tour d’ivoire. Mais entre le mutisme des autocrates et la soumission aux cris de la galerie, il y a la voie exigeante et noble de la gouvernance responsable : parler quand il faut, dire ce qu’il faut, à qui il faut, dans les moments qui comptent.

Qu’on se le dise : le temps de la politique spectacle est révolu. Les citoyens veulent des résultats, pas des répliques. Des politiques publiques, pas des clashs. Des actes, pas des auditions sur Facebook Live.

Quant à ceux qui pensent que leur simple statut de “voix de la société civile”, de “député indépendant”, ou de “veilleur autoproclamé” leur donne le droit de convoquer publiquement un ministre ou un chef d’Etat comme on convoquerait un stagiaire… qu’ils apprennent à respecter l’Etat. Ou qu’ils aillent postuler.

Parce qu’à force de croire que tout se vaut, que tout se commente, que tout se corrige en ligne — on finit par confondre gouvernance et chronique de quartier.

Et ce pays mérite mieux que des chroniqueurs frustrés déguisés en censeurs.


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *