Réforme foncière et souveraineté alimentaire : un tournant stratégique assumé

Par Mamadou Sèye

Le Conseil des ministres du 18 juin 2025 marque une inflexion majeure dans la gouvernance agricole du Sénégal. En consacrant une large part des échanges à la sécurisation du foncier rural et à la souveraineté alimentaire, le président Bassirou Diomaye Faye confirme sa volonté de replacer la terre au cœur de la politique de transformation économique du pays. A la suite de sa tournée dans la vallée du fleuve Sénégal, où il a salué les efforts des collectivités locales et des producteurs, le chef de l’Etat a tenu à poser un acte fort : accélérer la modernisation du secteur agricole en éliminant un obstacle récurrent, celui de l’insécurité foncière.

Trop longtemps, la question foncière est restée une zone d’ombre. Floue dans ses textes, lente dans ses mécanismes, souvent source de conflits larvés, elle a privé de nombreux producteurs de la possibilité de se projeter dans l’avenir. Sans titres sécurisés, pas de crédit. Sans garantie, pas d’investissement. Et donc, pas de montée en gamme ni de transformation structurelle. C’est cette équation que l’exécutif entend désormais résoudre, en engageant une réforme foncière concertée, pilotée avec méthode, en lien avec les collectivités territoriales, les producteurs et les experts.

Le chef de l’Etat insiste sur la cartographie des zones agricoles, la régularisation des occupations, la transparence dans l’attribution des terres et la mise en place d’un dispositif clair pour la gouvernance locale du foncier. Il ne s’agit pas seulement de produire davantage, mais de produire dans un cadre légal qui protège, valorise et responsabilise. Ce qui est en jeu, c’est une refondation silencieuse, mais déterminante, du modèle agricole sénégalais.

Le président Diomaye Faye ne veut pas choisir entre agriculture familiale et agrobusiness. Il veut les articuler intelligemment, dans une logique de complémentarité. Les exploitations familiales doivent être sécurisées, encadrées, modernisées. Mais l’Etat doit aussi encourager un tissu d’entreprises agricoles performantes, capables de transformer, de stocker, d’exporter. Il faut de la production, mais aussi de la valeur ajoutée. Il faut des paysans enracinés, mais aussi des investisseurs engagés.

L’enjeu dépasse l’agriculture. Il touche à la souveraineté. Dans un contexte mondial incertain, marqué par les dérèglements climatiques, la volatilité des marchés et les tensions sur les matières premières, garantir l’accès des Sénégalais à une alimentation suffisante, saine et produite localement devient une priorité stratégique. La réforme foncière, si elle est bien conduite, pourrait en être la clé.

Encore faut-il éviter les pièges habituels : l’opacité dans les procédures, la lenteur des cadastres, la marginalisation des femmes rurales, la spéculation déguisée derrière des projets dits « structurants ». La réussite dépendra de la transparence, de la capacité à trancher les litiges, à former les acteurs, à surveiller les abus.

Ce Conseil des ministres aura donc été plus qu’un rituel hebdomadaire. Il a esquissé une vision : celle d’un Sénégal qui reprend en main sa terre pour mieux nourrir sa population, renforcer sa souveraineté et moderniser son économie. C’est un cap. Il mérite d’être tenu.


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