Par Mmadou Sèye
Le Sénégal a célébré la fête du travail dans un contexte politique et social inédit. Le Président de la République a reçu le traditionnel cahier de doléances des centrales syndicales, dans une atmosphère où attentes sociales, réformes profondes et stabilité sont désormais intimement liées. Mais au-delà des symboles, c’est un tournant dans le dialogue social qui semble s’amorcer.
Sous l’égide du Premier ministre, Ousmane Sonko, un pacte de stabilité sociale et de croissance a été signé. Ce n’est pas rien. L’initiative, inédite dans sa portée, traduit la volonté d’un changement de paradigme : inscrire le dialogue tripartite dans une vision stratégique partagée, loin des simples échanges ponctuels entre syndicats et gouvernement.
Les centrales syndicales, souvent critiquées pour leur corporatisme ou leur timidité, ont saisi cette opportunité pour poser un diagnostic lucide sur la condition du travailleur sénégalais. Salaire minimum, sécurité sociale, justice dans les carrières, droit syndical, précarisation dans les secteurs dits informels… les doléances restent nombreuses mais résonnent aujourd’hui avec plus de force dans l’agenda gouvernemental.
Mais un pacte social, pour être équilibré, doit aussi inclure les employeurs. Ces derniers, par la voix de leurs organisations patronales, ont salué la démarche et réitéré leur volonté de contribuer à une stabilité durable propice aux affaires, à l’emploi et à l’investissement. Leur rôle est central : sans leur engagement à améliorer les conditions de travail, à respecter les normes sociales et à accompagner les mutations économiques, le dialogue social risquerait de rester un exercice unilatéral.
Le Premier ministre, lui-même issu d’un parcours militant, connaît les subtilités des luttes sociales. Mais c’est désormais en bâtisseur de consensus qu’il est attendu. Car sans pacte de confiance, il ne peut y avoir de stabilité. Et sans stabilité, aucune politique publique, aussi ambitieuse soit-elle, ne pourra produire les fruits attendus.
Le 1er mai 2024 pourrait ainsi marquer le début d’un cycle nouveau. Celui d’un contrat social où l’écoute, la responsabilité et l’innovation collective remplaceraient la défiance et le pilotage à vue. Mais pour cela, chacun devra aller au-delà des postures : gouvernement, syndicats, patronat… et citoyens eux-mêmes.