Fin de l’hivernage : chaque grain compte

Par Mamadou Sèye

La saison des pluies touche à sa fin et, avec elle, l’heure des récoltes approche. Pour les producteurs, c’est le moment où l’espoir se mesure en sacs, en kilos et parfois en sueur accumulée depuis des mois. Mais si l’on y regarde de plus près, une partie de cette valeur se perd bien avant d’atteindre les marchés. Chaque année, des tonnes de céréales, fruits ou légumes disparaissent à cause de conditions de stockage inadéquates, de séchage insuffisant ou d’un suivi technique insuffisant. Les pertes post‑récolte ne sont pas seulement des chiffres : ce sont des revenus manqués pour les familles, des prix plus élevés pour le consommateur, et parfois des denrées qui ne contribuent jamais à la sécurité alimentaire de la Nation.

Les solutions existent. Elles ne nécessitent pas toujours des laboratoires sophistiqués ni des innovations spectaculaires. Des filets de séchage, des silos adaptés, des protocoles simples de suivi de l’humidité et de la température peuvent réduire considérablement les pertes. Mais il faut les appliquer à temps, les former correctement et les coordonner avec les acteurs locaux. Un stockage mal pensé ou un contrôle minimal de la qualité suffit à transformer le fruit d’un effort de plusieurs mois en déchet invisible.

L’enjeu dépasse le simple rendement agricole : il touche à la crédibilité des systèmes de transformation alimentaire et à la capacité collective de valoriser nos produits locaux. Dans un marché où chaque gramme compte, la maîtrise des techniques post‑récolte devient un indicateur de compétence et d’efficacité. Ceux qui observent la chaîne alimentaire savent que chaque étape, de la récolte au stockage en passant par le conditionnement, peut faire la différence entre succès et perte sèche.

Il est intéressant de noter que les technologies simples et éprouvées existent depuis longtemps. Les démonstrations sur le terrain montrent que des interventions modestes peuvent sauver des tonnes de récoltes. Pourtant, ces solutions restent trop souvent sous-utilisées. Les obstacles ne sont pas uniquement financiers : coordination, formation et suivi régulier sont les véritables clefs de succès. Une unité de production peut installer un silo moderne, mais si le personnel n’est pas formé, si la surveillance est sporadique, le résultat sera à peine meilleur que sans équipement.

La question que chacun doit se poser aujourd’hui est simple : comment passer de l’intention à l’action ? Comment faire en sorte que les investissements dans la technologie, la formation et la sensibilisation produisent un impact réel et mesurable ? Chaque année, des expériences sont menées, des guides publiés, des recommandations faites. Mais sur le terrain, la différence entre la théorie et la pratique reste parfois abyssale.

L’argument le plus fort n’est pas technique, il est économique et humain. Une tonne de céréales sauvée n’est pas seulement un chiffre, c’est un revenu supplémentaire pour un producteur, un prix plus juste pour le consommateur et un pas vers la sécurité alimentaire nationale. Ignorer cette réalité serait laisser filer une partie de notre richesse collective, sans bénéfice pour personne.

Il est également crucial de considérer la formation et l’accompagnement continus. Les producteurs et les petites unités de transformation doivent recevoir un suivi adapté, comprendre les procédures de contrôle et être capables d’appliquer les méthodes à chaque récolte. La documentation et la recherche sont utiles, mais elles ne remplacent pas la capacité à agir concrètement sur le terrain. Une technique efficace, non maîtrisée par ceux qui l’utilisent, ne reste qu’une bonne idée.

Nous arrivons donc à un constat évident : il ne suffit pas de produire et de récolter. Il faut gérer, former, contrôler et suivre. Chaque geste compte, chaque attention portée au stockage et à la transformation peut transformer une récolte moyenne en succès tangible. Dans cette période où les grains s’amoncellent dans les champs et où les fruits mûrissent, il devient impératif de réfléchir à ces pertes invisibles et d’agir avant qu’il ne soit trop tard.

Il est fascinant de constater que, souvent, les solutions les plus simples sont les plus efficaces. Un suivi rigoureux de l’humidité, un séchage correct, une ventilation adaptée, des silos bien conçus : voilà des mesures modestes mais à fort impact. Ces interventions ne sont pas spectaculaires, elles ne font pas la une des journaux, mais elles sauvent la valeur produite et sécurisent les revenus des familles.

Chaque fin d’hivernage devrait être l’occasion de rappeler ces priorités : valoriser la récolte, sécuriser les produits, réduire les pertes et maximiser les bénéfices pour le plus grand nombre. Les discours et les promesses ne suffisent pas. Il faut observer, appliquer, former et suivre. Ce sont ces gestes simples mais rigoureux qui déterminent si la récolte de cette année sera une réussite ou un rendez-vous manqué.

La saison est courte et la vigilance doit être maximale. Chaque grain compte. Chaque étape de la chaîne alimentaire est cruciale. Le moment est venu de faire parler l’action plutôt que les discours. Les acteurs capables de faire la différence le savent très bien — et chacun, en observant la récolte qui approche, comprend que le temps pour agir ne se repousse pas.


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