Robert Bourgi ou la nostalgie malade d’un porteur de mallettes

Par Mamadou Sèye

Il y a quelque chose de pathétique à voir un homme s’accrocher à une époque qui ne veut plus de lui. Robert Bourgi est de ceux-là. L’ultime survivant d’un monde qui s’effondre, celui des entre-deux, des deals enfumés, des ambassades devenues banques de valises, des réseaux d’influence qui humiliaient l’Afrique à coups de sourires complices et de « conseils avisés ».

Et pourtant, le revoilà. Un Robert Bourgi visiblement vexé, frustré de ne pas avoir été reçu, de ne plus être courtisé, de ne plus figurer sur les carnets diplomatiques. Il a donc dégainé sa plume — ou plutôt son venin — pour écrire une soi-disant lettre ouverte au Président Bassirou Diomaye Faye et à son Premier ministre Ousmane Sonko. Une lettre dégoulinante de suffisance, qui empeste la vieille morgue coloniale à peine remaquillée.

Il y parle comme on parlait aux indigènes. Comme si Dakar était encore un comptoir et lui, le gouverneur blanc.

Mais que vaut aujourd’hui l’avis d’un homme qui s’est fait connaître non par ses idées, mais par les valises d’argent qu’il transportait entre Présidents usés et réseaux mafieux ? Que vaut la leçon de morale d’un ancien homme-lige de la Françafrique, ce système pourrissant qui a gangrené des décennies de destin africain, corrompu les élites, saboté les alternatives, et surtout… maintenu le continent dans la dépendance ?

Robert Bourgi n’est pas un observateur neutre, encore moins un sage. Il est un produit direct du système qu’il prétend aujourd’hui juger. Ce système, il en a été l’exécutant fidèle, le messager zélé, l’intermédiaire servile. Il a vu les valises, les commissions occultes, les arrangements entre « amis » du Nord et « frères » du Sud. Il en a profité. Il a construit sa notoriété sur le trafic d’influence, pas sur le mérite.

Et maintenant, il ose sermonner un Président élu et un Premier ministre investi par le suffrage populaire ? Il ose parler de populisme, de rupture excessive, de mauvaise stratégie diplomatique ? Mais que représente-t-il encore, sinon le ricanement du passé ?

Ce n’est pas une lettre qu’il a écrite. C’est un cri d’angoisse d’un homme en déclin, un vieux courtisan dont la carte ne passe plus dans les palais africains, un conseiller désavoué, relégué aux marges. Il ne supporte pas que Sonko n’aille pas lui baiser la main. Il ne comprend pas qu’un Diomaye puisse dérouler une diplomatie sans lui passer un coup de fil.

Il faut le lui dire clairement : le Sénégal n’est plus à vendre. Ce pays a rompu avec les figures opaques, avec les marionnettistes de l’ombre. Il regarde désormais vers l’avenir, avec des dirigeants qui, pour la première fois, parlent d’égal à égal avec les puissants. Qui n’ont pas besoin de parrains en costume trois pièces pour exister dans le concert des Nations. Qui osent dire non. Qui refusent les injonctions de Paris, de Washington ou d’Abidjan.

Robert Bourgi, lui, n’est plus qu’un symbole fossile. Le visage blafard d’une époque honteuse. Il a cru que son carnet d’adresses valait encore quelque chose. Il a cru qu’une lettre pouvait encore créer un frisson au sommet de l’Etat. Mais il ne comprend pas que l’Afrique a changé de ton, changé de cap, changé de génération.

Et c’est bien cela qui le ronge : son monde s’est effondré, mais il n’a pas encore eu la décence de se taire.

Il faut l’y aider.

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