GTA : Un souffle nouveau sur le gaz sénégalo-mauritanien

La visite conjointe des présidents Bassirou Diomaye Faye et Mohamed Ould Ghazouani sur la plateforme GTA est tout sauf un geste protocolaire. Elle traduit la volonté politique des deux chefs d’État de replacer la souveraineté énergétique et la coopération régionale au cœur d’une vision de développement. Entre symbolique forte et réalités techniques, un cap vient d’être fixé.


Sur les eaux calmes mais chargées d’enjeux du Grand Tortue Ahmeyim, deux présidents se sont donné rendez-vous, ce jeudi 22 mai 2025, à bord de l’un des projets les plus scrutés de la façade atlantique africaine. Bassirou Diomaye Faye et Mohamed Ould Ghazouani ne sont pas montés sur la plateforme gazière pour contempler un chantier. Ils sont venus y poser un acte politique, économique et symbolique majeur.

Cette image d’un président fraîchement élu, en bottes et casque de sécurité, aux côtés de son homologue expérimenté, incarne une volonté partagée : celle de maîtriser enfin une ressource longtemps restée aux mains de logiques étrangères. GTA n’est pas qu’un projet gazier. C’est une frontière nouvelle dans les relations entre les deux pays, une opportunité de transformation structurelle de leurs économies, un test grandeur nature de leur capacité à bâtir ensemble une souveraineté énergétique durable.

La souveraineté énergétique ne se décrète pas, elle se construit, jour après jour, par des choix audacieux, des négociations dures, et une gestion rigoureuse. La visite présidentielle intervient alors que les premières extractions de gaz sont attendues dans les prochains mois. Elle vise à rappeler que si les géants du secteur (BP, Kosmos, Petrosen, SMH) ont un rôle à jouer, ce sont bien les Etats qui doivent piloter l’agenda stratégique. Cela implique de veiller à la transparence des contrats, à la traçabilité des recettes, mais aussi à l’intégration locale des bénéfices : en emplois, en transfert de technologie, en soutien aux industries nationales.

Pour Diomaye Faye, cette immersion sur GTA constitue aussi un signal adressé aux Sénégalais : son régime, né d’une promesse de rupture, entend exercer un contrôle effectif sur les ressources naturelles. Il ne s’agira plus de laisser filer les dividendes pendant que les populations regardent passer les tankers. Il faudra rendre des comptes, établir des priorités, et surtout éviter les erreurs du passé. Le pétrole et le gaz ne doivent pas devenir une nouvelle malédiction. Ils doivent amorcer une transition vers une économie plus robuste, plus inclusive, plus souveraine.

En Mauritanie, Ould Ghazouani, à la veille d’un scrutin présidentiel crucial, entend également montrer qu’il reste aux commandes d’un dossier stratégique. La stabilité politique et la crédibilité institutionnelle sont des prérequis pour tirer pleinement parti de GTA. Là aussi, la pression est forte : transformer les ressources gazières en dividendes sociaux tangibles, dans un pays où les inégalités restent fortes et les attentes, immenses.

Mais au-delà des considérations bilatérales, la force du geste d’aujourd’hui tient à sa portée régionale. Dans un Sahel fragmenté, en proie à des tensions sécuritaires et à des incertitudes économiques, le modèle de coopération sénégalo-mauritanien offre une alternative crédible : celle d’une exploitation concertée des ressources, fondée sur le respect mutuel, la vision partagée, et la solidarité interétatique.

GTA n’est pas un aboutissement, c’est un début. La plateforme flottante est là, imposante, presque irréelle. Mais le vrai défi commence maintenant : faire en sorte que ce gaz profite réellement aux populations. Eviter que le tropisme extractiviste ne prenne le pas sur la planification. Et surtout, maintenir l’exigence politique et citoyenne à son plus haut niveau.

Les chefs d’Etat sont passés sur la plateforme. Le symbole est fort. Mais ce sont les populations qui attendent désormais des résultats. Non pas seulement du gaz, mais du développement. Non pas des promesses, mais des transformations concrètes.

GTA peut être une chance. Elle ne le sera que si les deux pays, main dans la main, gardent le cap d’une gouvernance exemplaire. Pour que les prochaines générations ne regardent pas cette visite comme un instantané figé dans l’histoire, mais comme le point de départ d’un véritable tournant.

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