HONORABLE, CERTES. HISTORIQUE, NON.

Par Mamadou Sèye

L’annonce a été faite sur les réseaux, sobrement, par l’intéressée elle-même : Me Aïssata Tall Sall a été élue vice-présidente du réseau parlementaire des assemblées annuelles du FMI et de la Banque mondiale. Un titre aux sonorités internationales, porteur d’un certain prestige, mais qu’il convient d’aborder avec mesure, loin des emballements.

Saluons d’abord la personnalité. Femme d’Etat aguerrie, avocate chevronnée et parlementaire respectée, Me Aïssata Tall Sall incarne une voix sénégalaise affirmée dans les débats internationaux. Sa désignation témoigne de la reconnaissance de son parcours et de son expérience. Mais la lucidité impose de redimensionner la portée de cette fonction.

Ce “réseau parlementaire” n’est ni un organe du FMI, ni une instance de gouvernance de la Banque mondiale. Il s’agit d’une plateforme de dialogue entre parlementaires présents aux assemblées annuelles, où l’on échange sur les enjeux économiques mondiaux. Une initiative intéressante, mais sans pouvoir décisionnel, sans influence directe sur les politiques financières internationales.

Autrement dit, on agit ici dans la sphère du relationnel, pas du décisionnel. Ce n’est pas un poste exécutif ni une position d’arbitrage stratégique : c’est un espace d’échanges, utile à la compréhension mutuelle, mais extérieur au cœur des décisions.

D’ailleurs, le fait est révélateur : si Me Aïssata Tall Sall elle-même n’avait pas communiqué sur son élection, nul n’en aurait été informé. Ni communiqué officiel, ni mention protocolaire, ni félicitations institutionnelles. Le silence de l’Etat, en diplomatie, n’est jamais anodin : il traduit la juste mesure accordée à l’événement.

Et ce contraste saute aux yeux.
Lorsque Amadou Hott — qui, rappelons-le, n’appartient pas à la majorité présidentielle actuelle — a annoncé sa candidature à la présidence de la Banque africaine de développement (BAD), les autorités sénégalaises n’ont pas hésité à le soutenir publiquement. L’Etat s’est mobilisé, au-delà des appartenances politiques, pour appuyer la candidature d’un compatriote à une fonction stratégique et influente sur le plan continental. Ce réflexe d’unité nationale avait alors été salué, à juste titre.

Rien de tel cette fois. Non par désintérêt, mais parce que le niveau d’enjeu n’est pas comparable. La BAD est une institution africaine de financement, où se décident des milliards et se façonnent des politiques de développement. Le “réseau parlementaire” du FMI et de la Banque mondiale, lui, relève d’un registre de représentation symbolique, sans incidence directe sur les orientations financières.

C’est là que réside la nuance essentielle.
Saluer la distinction, oui. L’amplifier, non. Tout n’est pas événement historique parce que c’est estampillé “international”. Il faut savoir distinguer le prestige de façade du pouvoir réel.

En vérité, cette élection honore Me Tall Sall — et elle seule. Le Sénégal n’en retire ni siège, ni voix supplémentaire dans les instances de Bretton Woods. Ce n’est pas un saut diplomatique, c’est une marque de reconnaissance. Et cela suffit à en faire un motif de satisfaction, pas de triomphalisme.

L’essentiel est de garder la juste mesure.
Nous ne sommes pas contre la distinction, bien au contraire : toute visibilité sénégalaise à l’international mérite respect. Mais il serait vain d’en faire une victoire nationale quand elle relève surtout de la courtoisie institutionnelle.

Me Aïssata Tall Sall a obtenu un titre.
Le Sénégal, lui, n’a pas gagné de levier supplémentaire.
Et cela, camarade, n’enlève rien à la fierté — mais remet les choses à leur juste place.


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