Là où certains voient une faille, le PASTEF démontre sa force

Par Mamadou Sèye

Il fallait bien qu’ils s’y accrochent. Privés de carburant politique, orphelins d’un vrai projet, les adversaires du PASTEF – s’il faut encore les appeler ainsi – cherchent aujourd’hui leur salut dans les bribes d’une divergence interne. Une divergence, soit dit en passant, entre deux figures respectables de la majorité, et sur une question éminemment pratico-symbolique : la dotation de véhicules aux députés.

Et parce que Guy Marius Sagna a exprimé une réserve, et que le Président de l’Assemblée nationale a tenu une position différente, certains crient déjà à la dislocation, à la trahison des idéaux, à la duplicité politique. Mais que vaut ce raisonnement, sinon le reflet d’une culture politique bloquée dans le monolithisme ?

Car il faut le dire clairement : la pluralité d’opinion au sein du PASTEF n’est pas un problème. C’est une richesse. Et pour une fois, le Sénégal a sous les yeux un parti où les voix discordantes peuvent s’exprimer publiquement, sans que cela ne donne lieu à des règlements de compte, à des purges, ou à des répliques musclées sous forme de limogeages.

Ce que cette affaire révèle, ce n’est pas une crise. C’est une respiration démocratique. Un parti sans contradiction est un parti malade. Un camp politique où tout le monde est d’accord tout le temps, où la pensée critique est proscrite au nom de la discipline, finit par s’éteindre dans l’unanimisme stérile. Et c’est justement ce que le PASTEF refuse.

Depuis sa création, ce mouvement s’est construit sur une double promesse : la rigueur de l’engagement et la liberté d’expression. Il n’a jamais promis l’unanimité béate, encore moins une pensée unique verrouillée au sommet. Et c’est précisément cette cohabitation entre ligne politique claire et débat interne ouvert qui en fait aujourd’hui un parti vivant, et non une machine robotisée.

La vérité, c’est que les Sénégalais n’attendent pas des élus qui se taisent. Ils attendent des élus qui réfléchissent, qui questionnent, qui interrogent les choix collectifs à partir de leur ancrage, de leur sensibilité, de leur lecture du terrain. Et dans le cas présent, Guy Marius Sagna fait ce qu’on attend d’un député digne de ce nom : poser la question de l’éthique et de la symbolique, sans remettre en cause la légitimité d’un outil de travail pour ses collègues.

Quant au président de l’Assemblée nationale, il ne fait que rappeler une réalité fonctionnelle : un député rural ne peut pas assurer un travail de terrain sans un véhicule fiable. C’est une tension normale. Elle est saine. Elle n’a rien à voir avec un désaveu ou une fracture politique. Mais elle dit une chose essentielle : au PASTEF, on peut débattre. Et ça, ça change tout.

Ceux qui s’acharnent à instrumentaliser cette divergence pour affaiblir le régime en place trahissent une angoisse : ils n’ont plus d’espace propre. Alors ils guettent la moindre fissure, la plus petite nuance, le moindre mot de travers. Mais pendant qu’ils tentent de faire diversion avec des querelles de forme, le pays avance.

Le vrai scandale, ce n’est pas qu’un député critique une dotation. Le vrai scandale, c’est qu’on ait vécu pendant des années dans une République où ce genre de débat n’était même pas pensable. Où le moindre désaccord public signifiait l’isolement ou la radiation. Aujourd’hui, un parlementaire peut parler. Et être écouté, même s’il n’est pas suivi.

Voilà la force tranquille de ce pouvoir. Et voilà pourquoi il est redouté. Non pas parce qu’il est parfait, mais parce qu’il apprend. Parce qu’il ajuste. Parce qu’il est vivant. Et parce qu’il ose faire ce que d’autres ont toujours refusé : laisser le débat irriguer l’action.

Alors non, il n’y a pas de crise. Il y a une vie politique en mouvement. Et cela, au fond, est peut-être la chose la plus révolutionnaire que ce pays ait connue depuis longtemps.

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