Le droit contre l’oubli, la République contre le vacarme: plaidoyer pour un Sénégal debout

Par Mamadou Sèye

Il y a parfois, dans l’histoire des peuples, des silences qui crient plus fort que les tambours. La décision du Conseil constitutionnel relative à la loi interprétative sur l’amnistie, ce n’est pas un simple arrêt juridique. C’est une balise. Un repère. Un coup de frein dans une mécanique bien huilée d’effacement des crimes d’État. Et dans cette affaire, les cris de victoire les plus bruyants viennent souvent des coins les plus vides : ceux des singletons politiques, ces haricots esseulés dans la marmite, qui dans l’imaginaire wolof font plus de bruit que de consistance.

Le Sénégal est redevenu un État de droit. Voilà ce qui dérange. Voilà ce qui devrait rassurer. Et voilà ce qui, surtout, remet chacun à sa place.

Quand l’ancien régime préparait ses retraites dorées

Car ne l’oublions pas : l’idée d’une amnistie générale n’a pas germé dans la tête des nouveaux dirigeants. Elle fut l’ultime geste du régime défunt, ce régime qui, dans un réflexe de protection mutuelle, a voulu s’absoudre collectivement avant de passer la main. Comme un clan de flibustiers négociant, à la veille de la tempête, une immunité totale pour les crimes, les abus, les tortures, les détournements.

Et maintenant que cette entreprise d’effacement a été stoppée dans son élan par le Conseil constitutionnel, certains — étrangement — jubilent. Ils confondent un rejet de la loi interprétative avec une victoire pour l’opposition. Quelle méprise ! Car cette décision ne protège pas, elle expose. Elle rouvre, elle ne referme pas. Les familles endeuillées, les victimes de répressions, les voix étouffées retrouvent un chemin : celui de la justice.

Une majorité qui accepte la décision — sans plier le droit

Face à cette décision, le groupe parlementaire de la majorité présidentielle a montré une maturité politique rare. Il a pris acte, sans vacarme, sans défi. Il a compris que la force du droit prime sur la force des intentions. Et dans un geste de responsabilité, le Premier ministre Ousmane Sonko a préféré la retenue à l’exaltation. Lui, qui aurait pu brandir cette décision comme un désaveu, l’a transformée en confirmation : le Sénégal ne retournera pas aux combines d’hier. Et cela seul est une rupture.

Les singletons politiques : l’opposition en kit, sans armée ni vision

Pendant ce temps, certains leaders politiques s’agitent. Des figures médiatiques sans base populaire, sans colonne vertébrale idéologique, qui vivent de la lumière des caméras comme des papillons de nuit. Ils n’ont pas de parti, pas de militants, parfois même pas de congrès. Ce sont des avatars politiques qui ne doivent leur survie qu’au zapping médiatique. Et voilà qu’ils s’enflamment, dans un éclat de rire aussi creux que leur enracinement.

Ces singletons gagneraient à retourner à la base, à reconstruire le lien politique avec les masses. Mais c’est plus facile de gesticuler sur les plateaux, de commenter, de fanfaronner, que de faire le sale boulot : organiser, convaincre, construire. Leur plaisir n’est pas la justice, mais l’instrumentalisation de toute brèche pour exister. Ils font partie de ces voix qui dénoncent l’amnistie le matin, mais étaient bien silencieuses hier quand les tortionnaires étaient décorés.

Une victoire du droit sur le compromis mou

La décision du Conseil constitutionnel est donc une victoire pour l’État de droit, mais aussi une alerte : nul ne sera épargné. Les crimes politiques, les crimes économiques, les détournements massifs ne disparaîtront pas derrière une formule législative alambiquée. L’amnistie n’est pas une gomme. Et les tentatives de blanchiment politique, d’effacement juridique, sont désormais sans effet.

L’option de la Cour pénale internationale reste ouverte. Les plaintes peuvent être déposées. Les associations de victimes peuvent s’organiser. Et le Sénégal montre, dans le concert des nations, qu’il existe encore des pays africains où l’état de droit n’est pas une abstraction pure et simple.

Au total ,nous vivons un moment charnière. Une transition de fond. Un temps où le droit ne se décline plus au gré des intérêts. Le Sénégal est en train d’écrire une nouvelle page. Le nouveau pouvoir ne gouverne pas pour venger, mais pour restaurer. Il ne se nourrit pas d’arrière-pensées, mais d’une volonté d’assainissement républicain.

Et pendant que les singletons politiques dansent autour du chaudron médiatique, le peuple, lui, observe. Il sait désormais que l’État de droit n’est pas un slogan : c’est un cadre, une rigueur, une discipline. Et il appartient aux nouvelles autorités d’en faire un socle irréversible.

On ne balaie pas les larmes des mères avec des artifices juridiques. On ne tourne pas la page de l’histoire avec de l’amnésie législative. La justice, camarades, est un long fleuve. Mais il coule, et il finit toujours par atteindre sa mer.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *