Le pari de la lucidité

Par Mamadou Seye

Il fallait du courage politique pour rompre avec la tradition commode des budgets cosmétiques, ces lois de finances maquillées à la hâte pour flatter les électorats et rassurer les bailleurs. En présentant le Projet de Loi de Finances 2026, le gouvernement a choisi la voie la plus difficile : celle de la vérité. Ce budget n’a rien d’un artifice comptable ; il assume le réel, sans fard, sans fuite.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 6 188 milliards FCFA de recettes, soit une hausse de plus de 23 % ; 7 433 milliards de dépenses avec un déficit ramené à 5,3 % du PIB, et un solde primaire quasiment à l’équilibre. Ce n’est pas un miracle, c’est une méthode. Un recentrage. Une volonté de replacer le Sénégal dans la trajectoire de la responsabilité économique.

L’heure n’est plus aux slogans ni à la distribution désordonnée des privilèges fiscaux. L’Etat reprend la main sur sa base contributive, avec une fiscalité repensée : taxation des jeux de hasard, régulation du mobile money, rationalisation des exonérations, lutte contre les rentes invisibles. Ceux qui dénoncent une “pression fiscale” oublient trop vite que la justice budgétaire, c’est d’abord que chacun contribue selon ses moyens, non selon sa proximité avec le pouvoir.

Ce PLF 2026 n’est pas un budget de contrainte, c’est un budget d’émancipation. Il trace le sillon d’une souveraineté retrouvée. En relevant la pression fiscale à 23 %, en misant sur des recettes internes au lieu des perfusions extérieures, le Sénégal envoie un message fort : nous financerons notre développement par nous-mêmes. C’est un acte de foi économique, mais aussi un geste de dignité nationale.

Bien sûr, les critiques bruissent. Certains redoutent les effets sur le pouvoir d’achat, d’autres soupçonnent une rigueur qui tournerait à la sécheresse sociale. Mais l’heure est à la vérité des comptes : on ne bâtit pas un Etat solide sur le sable mouvant des déficits non maîtrisés. La sincérité budgétaire est le premier service rendu aux plus modestes, car elle seule garantit la continuité des politiques publiques et la stabilité du pays.

Ce budget, il faut le lire non pas comme un instrument technique, mais comme un acte politique. Il porte une vision : réhabiliter la dépense utile, refonder la discipline administrative, responsabiliser chaque acteur public. Le choix de la budgétisation à base zéro, la conditionnalité des investissements au-delà de 500 millions, la rationalisation de la masse salariale – tout cela annonce une rupture avec les routines et les réflexes bureaucratiques.

Les 1 450 milliards d’investissements publics prévus sont tout sauf de la figuration : ils visent à moderniser les infrastructures, accompagner la transformation agricole, renforcer la santé, l’éducation et les collectivités. Là encore, le réalisme prévaut sur la démagogie. Ce n’est pas un budget de promesses ; c’est un budget de preuves.

Face à cela, les adversaires s’agitent. Ils parlent de “fiscalité punitive”, d’“austérité masquée”. Mais ils oublient que la pire des austérités, c’est celle du mensonge et du retard accumulé. On n’assainit pas un pays sans effort collectif. On ne corrige pas des années de dérive par des incantations. Et on ne reconquiert pas la souveraineté économique sans passer par le couloir étroit de la rigueur.

L’audace du gouvernement, c’est d’avoir choisi la route du redressement, pas celle du confort. Loin d’une orthodoxie aveugle, cette rigueur est stratégique : elle prépare la réduction du déficit à 3 % dès 2027, et une dette stabilisée autour de 70 % du PIB, conforme aux critères de convergence de l’UEMOA. C’est un signal de sérieux envoyé aux marchés, mais aussi une garantie donnée aux générations futures.

On aurait pu différer, maquiller, ou temporiser. Le gouvernement a préféré dire la vérité, toute la vérité : sur la dette, sur les engagements, sur les marges réelles de manœuvre. Le Président Diomaye l’avait dit : il ne démarrerait pas son mandat sur un mensonge. Voilà la traduction budgétaire de cette promesse : un budget sans faux-semblants, qui regarde la réalité en face et assume les choix qu’elle impose.

Ce projet n’est pas un texte parmi d’autres ; il marque une étape décisive dans la maturation politique du pays. C’est la preuve qu’il est possible d’être lucide sans être défaitiste, rigoureux sans être insensible, ambitieux sans être naïf. Ce n’est pas la fin d’un cycle : c’est le début d’une méthode.

Et pendant que certains s’époumonent à dénoncer un “budget de rigueur”, d’autres ont compris que la vraie rigueur, c’est de redresser sans renier, de gouverner sans tricher, et de bâtir sans s’excuser.

Le Sénégal n’a pas choisi la facilité. Il a choisi la lucidité.
Et c’est ce qui fera, demain, toute la différence.

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