Par Mamadou Sèye
Il arrive parfois qu’une seule phrase renverse tout un paysage politique. Celle prononcée par la directrice générale du Fonds monétaire international, Kristalina Georgieva, entre dans cette catégorie : « Une dette était cachée, et elles l’ont révélée. » En quelques mots, la patronne du FMI a livré un verdict lourd de sens : il y avait bel et bien une dette dissimulée, et les nouvelles autorités sénégalaises ont choisi de la mettre à nu, en toute transparence. Fin de débat. Ou plutôt, début d’un malaise national.
Car tandis que cette déclaration tournait en boucle dans les chancelleries et sur les réseaux, un silence épais, presque gêné, s’est abattu sur l’opposition. Un silence révélateur — celui des certitudes effondrées, des discours qu’il faut réécrire en hâte, et des colères qui peinent à se travestir en lucidité.
Depuis des mois, une partie de la classe politique s’était installée dans la posture confortable de l’accusation : « Diomaye et Sonko mentent », « Ils inventent la dette cachée », « C’est une diversion pour masquer leur impréparation. » Les plus bavards avaient même cru flairer une manœuvre populiste, un “prétexte budgétaire” destiné à justifier la rigueur à venir. Et puis voilà que le FMI — ni une officine militante ni un blog partisan — valide la version du gouvernement. Oui, des dettes étaient cachées. Oui, la nouvelle équipe a choisi la vérité au risque du tumulte. Ce que certains appelaient “mensonge d’Etat” devient “acte de transparence salué”. Les mots changent de camp. Les masques tombent. Les calculs aussi.
Qu’on aime ou non l’institution de Washington, sa parole pèse. Elle officialise, elle crédibilise, elle fixe les repères du sérieux. En confirmant la dissimulation passée, Georgieva retire à l’opposition son dernier argument stable : celui d’un pouvoir manipulant les chiffres pour noircir l’ancien régime. Ce n’est plus le gouvernement qui accuse : c’est le FMI qui constate. Et, ironie du sort, il félicite les autorités pour leur courage. Le message implicite est clair : la confiance renaît quand la vérité revient.
Face à une telle mise au point, le mutisme de l’opposition est d’autant plus assourdissant. Pas une conférence de presse d’envergure. Pas une note économique solide. Pas même une indignation bien charpentée. On se contente de murmures, de posts hésitants, de détours rhétoriques. La haine viscérale de Sonko, chez certains anciens barons, semble avoir anesthésié toute capacité d’analyse. Ils préfèrent nier la lumière plutôt que d’admettre que leurs adversaires ont dit vrai. Cette opposition-là n’a pas de projet : elle a des réflexes. Elle ne conteste pas un modèle : elle conteste des hommes. Et quand la vérité vient d’ailleurs — d’une voix aussi respectable que celle du FMI — elle choisit la fuite dans le silence, faute de munitions intellectuelles.
C’est la première fois depuis longtemps qu’un gouvernement sénégalais met à nu, de manière aussi frontale, un mensonge budgétaire d’Etat, et que la plus haute institution financière du monde vient en attester publiquement. Une page se tourne : celle de la communication gestionnaire, des bilans enjolivés, des “déficits techniques” maquillés en “ajustements temporaires”. L’opposition, elle, s’est embourbée dans son ressentiment. Plutôt que d’analyser le signal — un gouvernement qui ose dire ce qui ne va pas — elle a choisi de nier la réalité, espérant un faux pas, un dérapage, un retour de flamme. Mais la vérité, camarade, ne brûle que ceux qui l’ont trahie.
Le Président Diomaye avait dit : « Je ne commencerai pas mon mandat par un mensonge. » Cette phrase, hier encore jugée naïve ou démagogique, prend aujourd’hui un sens quasi historique. La transparence, dans un pays meurtri par les arrangements de coulisse, devient un acte de souveraineté. Le FMI le reconnaît. Les marchés le perçoivent. Et même les partenaires bilatéraux, d’ordinaire prudents, revoient leurs analyses de risque sur le Sénégal. Voilà donc un pays qui choisit de ne plus mentir, et un gouvernement qui préfère l’impopularité à l’opacité. C’est une révolution silencieuse. Pendant que certains crient à la “rigueur punitive”, d’autres y voient une maturité économique inédite.
Le débat économique n’est pas un champ de bataille personnel. Il exige des chiffres, pas des haines. Des faits, pas des slogans. Or, depuis des semaines, le camp du refus s’est enfermé dans une logique de ressentiment, persuadé que tout succès gouvernemental est une trahison politique. Mais on ne reconstruit pas un pays avec des haines recyclées. La transparence n’a pas de couleur partisane. Elle est la condition même du redressement. En vérité, cette séquence marque la déconvenue la plus cinglante de l’opposition depuis la transition : elle a perdu le contrôle du récit, le sens du réel et la main sur le débat public. La haine a étouffé la perspective.
Ce que Georgieva a fait, c’est bien plus que commenter un dossier technique. Elle a validé une méthode, une éthique, un retour à la sincérité comptable. Et ce jour-là, c’est tout un pan du discours d’opposition qui s’est effondré dans le silence. L’histoire retiendra que le FMI a dit la vérité que beaucoup redoutaient. Et que ceux qui avaient construit leur rhétorique sur le mensonge budgétaire n’ont trouvé d’autre refuge que le mutisme. Le Sénégal, lui, avance. Avec lucidité, avec exigence, et surtout avec cette audace tranquille : celle de regarder enfin ses comptes — et son passé — en face.