Par Mamadou Sèye
Entre la présence présidentielle remarquée à Libreville, les pas du Premier ministre dans les arènes sportives et les cercles religieux, et le drame d’un accident tragique sur les routes du pays, le week-end a offert un condensé de la nouvelle respiration politique sénégalaise : sobre, attentive, incarnée.
Libreville a été, ce week-end, le théâtre d’un rendez-vous panafricain d’envergure. À l’occasion de l’investiture du président gabonais Brice Clotaire Oligui Nguema, plusieurs chefs d’État ont foulé le tapis rouge de la nouvelle ère gabonaise. Parmi eux, le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye, silhouette sobre, posture calme, visage ferme. Il n’était pas simplement un invité parmi d’autres : il était l’attraction. Parce qu’il incarne une transition démocratique exemplaire dans un continent encore en proie à l’instabilité institutionnelle. Sa présence a donc résonné bien au-delà de Libreville : elle a rappelé que le Sénégal, tout en restant dans sa tradition diplomatique, se tient désormais sur une ligne plus digne que bavarde.
Sur le sol sénégalais, pendant ce temps, le Premier ministre Ousmane Sonko occupait l’espace autrement. Il était au stade, dans une ambiance populaire, physique, bruyante, mais authentique. Et ce dimanche, il s’est rendu à Médina Gounass, au cœur du Daaka, événement religieux d’une importance spirituelle considérable pour des milliers de fidèles. Il n’est pas anodin qu’un chef du gouvernement, dans un même élan, tende la main à la jeunesse sportive et à l’âme pieuse du pays. Cela témoigne d’une volonté d’ancrer l’action politique dans les rythmes du peuple, de conjuguer le verbe gouverner avec les mots proximité, respect et sobriété.
Mais ce week-end ne fut pas qu’un exercice d’incarnation sereine du pouvoir. Le pays a été endeuillé par un accident tragique : une collision entre un bus transportant des élèves et un camion, dans le nord du pays. Le bilan est lourd. Et les larmes, nombreuses. Le Premier ministre, au nom de l’État, a présenté ses condoléances aux familles. Sans mise en scène, sans caméra superflue. Là encore, un changement de ton, de posture. Une façon de dire que la compassion n’est pas une stratégie politique, mais une exigence humaine.
Et cette sobriété devient presque un fil rouge. On remarque qu’il n’y a plus de programmes d’activités officiels centrés sur les personnes, plus de distribution d’argent en public, plus de faste désincarné. Des griots modernes, jadis omniprésents, commencent à s’impatienter, à chercher l’auditoire qui les écoutait et les récompensait. Cette fatigue des courtisans pourrait bien être l’indicateur le plus net d’un changement de paradigme.
Le Sénégal n’a peut-être pas tout révolutionné. Mais il est en train de s’éloigner d’un style. Lentement, prudemment, mais visiblement. Ce week-end fut un concentré de cette mutation : un président qui rayonne sans bavarder, un Premier ministre qui marche sans fanfare, un peuple qui prie, qui joue, qui pleure — et un État qui, pour une fois, semble savoir comment être là sans s’imposer.