Les Déserteurs de la Légitimité : quand l’ambition supplante la conviction

Par Mamadou Sèye

Il y a dans notre paysage politique une race particulière d’hommes : ceux qui n’ont jamais conquis le peuple, mais qui rêvent d’habiter le pouvoir.
Ce sont des aventuriers de la politique, des migrants de l’ambition, sans racines ni drapeaux, qui passent d’un camp à l’autre, d’un slogan à l’autre, espérant qu’un hasard bienveillant finira par les propulser au-devant de la scène.
Ils ne croient plus aux vertus du suffrage, ni à la noblesse du combat politique.
Ils croient aux raccourcis.

Cette espèce-là prospère à l’ombre des régimes et se nourrit des fissures du pouvoir.
Elle parle de morale quand elle est dans l’opposition, mais se fait pragmatique dès qu’une porte s’entrouvre au palais.
Elle disserte sur les valeurs républicaines, tout en négociant dans les couloirs des privilèges.
Elle se pare des titres d’universitaire, de technocrate, d’intellectuel « engagé », mais fuit le terrain, là où se forgent les convictions et où se mesure la fidélité au peuple.

Le Dr Abdourahmane Diouf symbolise à lui seul ce paradoxe :
brillant dans le verbe, séduisant dans l’analyse, mais fragile dans la loyauté.
Hier encore, il clamait haut et fort : « Sonko est mon patron ».
Aujourd’hui, il s’autorise des propos ambigus, jouant à l’équilibriste entre deux hommes que tout lie : Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko.
L’illusion est totale : il pense pouvoir se tailler un destin dans l’espace que formerait une supposée rivalité.
Mais il n’y a pas de rivalité. Il n’y a que des trahisons imaginées par ceux qui rêvent de fractures à exploiter.

Et c’est là tout le drame : quand la pensée universitaire se dégrade en stratégie de cour.
Quand l’intellectuel, au lieu d’éclairer le débat public, se transforme en commentateur frustré des rapports de force.
Le Dr Diouf aurait pu être une référence de rigueur et de cohérence. Il a préféré devenir un symbole de dérive.
Le pouvoir ne se quémande pas dans les studios de télévision ; il se conquiert dans le cœur du peuple.
Mais certains, à force d’avoir tourné le dos aux masses, finissent par croire que les micros remplacent les urnes.

Le Président Diomaye Faye, dit-on, a très mal pris cette sortie médiatique.
Et il a raison.
Car nul ne peut durablement servir deux maîtres.
On ne peut pas être à la fois le disciple de Sonko et l’ami de ceux qui conspirent contre lui.
L’Histoire a toujours eu horreur des accommodants : ceux qui veulent plaire à tout le monde, finissent par ne plus convaincre personne.
Et dans l’arène politique, l’accommodement est la forme la plus lâche de la trahison.

Ce n’est pas glorieux, non, pour un universitaire de se réduire à un porteur de valises symboliques, attendant qu’un autre lui donne la légitimité que le peuple lui a toujours refusée.
Mais peut-être fallait-il cet épisode pour rappeler à tous que la loyauté n’est pas un mot creux.
Le peuple sénégalais, lui, a toujours eu le flair juste.
Il reconnaît les bâtisseurs aux callosités de leurs mains, et les intrigants à la souplesse de leurs genoux.

Camarade, nous devons dresser la carte de ces déceptions politiques, de ces trahisons travesties en liberté de ton, de ces intellectuels errants qui parlent de démocratie tout en rêvant d’ascenseurs sociaux.
Ce pays ne se reconstruira pas sur les ambitions flétries ni sur les fidélités variables.
Il a besoin d’hommes debout, enracinés, constants — de ceux qui préfèrent perdre dans la dignité plutôt que gagner dans la duplicité.

Car au fond, il ne s’agit pas seulement du Dr Abdourahmane Diouf.
Il est l’archétype d’un mal plus profond : celui d’une génération d’élites qui a troqué la vérité pour la visibilité.
Et ce mal, camarade, il faut le nommer, l’analyser, le combattre.
Car si la politique devient une scène de travestissement permanent, c’est le peuple qui en paiera la note.

L’Histoire, elle, retiendra les loyaux.
Les autres seront relégués dans les marges du commentaire — là où finissent tous les déserteurs de la légitimité.


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