Les femmes, la moitié du ciel et les rues oubliées de Dakar

Par Mamadou Sèye

Dakar, capitale bouillonnante d’histoire et de modernité, semblait prête à honorer toutes celles qui ont façonné le Sénégal. Et pourtant, le Conseil municipal du Plateau vient de baptiser dix rues… et toutes sont au nom d’hommes. Aucune femme. Rien. Silence complet sur celles qui ont construit, guidé et inspiré notre pays.

Les femmes ne sont pas des accessoires. Elles ne sont pas des silhouettes décoratives que l’on peut oublier à loisir. Elles sont le sang de la société, la mémoire vivante, la lumière dans nos arts et nos sciences. Mao Zedong l’avait dit : “Les femmes portent la moitié du ciel.” Là où elles sont absentes, la société elle-même est incomplète.

Pour les amoureux de littérature et de symboles, souvenons-nous aussi d’Elsa Triolet. Mamoussé Diagne, un de nos maîtres au département de philosophie de l’université Cheikh Anta Diop, nous avait un jour entretenus de ce fameux cheveu d’Elsa Triolet, qui fit l’objet d’une thèse entière. Oui, un cheveu ! Une attention minutieuse à chaque détail féminin, chaque geste, chaque pensée. Si un cheveu mérite une thèse, combien plus mérite l’existence entière et la reconnaissance des femmes dans notre espace public ?

Nommer, c’est reconnaître. Et refuser aux femmes des rues portant leur nom, c’est leur nier la place qu’elles méritent dans l’histoire et dans la mémoire collective. Dix rues au nom d’hommes, zéro pour les femmes. L’injustice est criante. L’absurde, palpable.

Le message est clair : les femmes doivent être célébrées, inscrites, chantées et gravées dans le marbre de Dakar. Du Boulevard Mariama Bâ à la Place Aline Sitoé Diatta, des ruelles Arame Diène aux avenues Ndatté Yalla, que chaque pas sur ces pavés rappelle que les femmes ont façonné l’histoire et continueront de la porter, avec courage et intelligence.

Nous rirons de leurs oublis, nous soulignerons l’absurde, et nous chanterons nos femmes, de la rue aux salons, des livres aux usines, du Plateau aux villages. Car les femmes ne portent pas seulement un cheveu ou un nom ; elles portent le ciel, et un jour, elles auront aussi leurs rues.


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