par Mamadou Sèye
Ils rêvent d’un face-à-face avec le Premier ministre. Ils le convoquent à grands cris, dans l’arène de leurs frustrations et de leur vacuité. Mais ont-ils seulement franchi les premiers obstacles qui mènent à un vrai débat politique ? Face à une gouvernance incarnée et à une attente populaire forte, l’opposition actuelle donne surtout le spectacle d’un vide organisé. Et c’est bien ce vide-là que nous interrogeons aujourd’hui.
Ce qui se présente aujourd’hui comme « opposition » au Sénégal ressemble davantage à une foire d’empoigne de communicants aigris qu’à un bloc politique sérieux. À peine les nouveaux tenants du pouvoir installés, certains se sont rués sur les plateaux de télévision, les réseaux sociaux et les conférences de presse pour tirer à boulets rouges sur le Premier ministre Ousmane Sonko. Ce dernier, cible rêvée, semble les obséder à un point tel que leur « programme politique » semble n’être qu’un anti-Sonkoisme primaire, dénué de toute réflexion sur le fond.
Il y a dans cette frénésie une absence flagrante de contenu. Qui sont-ils ? Que proposent-ils ? Qu’ont-ils à dire à une jeunesse qui a porté au pouvoir une autre manière de gouverner, de parler, de rêver ? Rien, ou si peu. À la place, un harcèlement verbal dont le seul but est de se hisser, à coups de buzz, jusqu’à l’arène centrale du débat public, espérant que le Premier ministre daignera leur répondre.
Mais ceux qui espèrent un débat avec Ousmane Sonko devront d’abord franchir une série d’obstacles foudroyants : des Directeurs généraux jeunes et compétents, qui redéfinissent les standards de gestion publique ; des milliers d’acteurs et de sentinelles du changement dans l’appareil étatique et citoyen. Il ne suffit pas de vouloir s’attaquer à Sonko pour mériter le débat. Il faut d’abord exister politiquement, assumer un ancrage, un projet, une parole structurée. Autant dire qu’à l’heure actuelle, l’épreuve est insurmontable.
Et pourtant, le Sénégal a besoin d’une opposition digne de ce nom. Une opposition forte, construite, sérieuse, capable de challenger le pouvoir dans les règles de l’art démocratique. Mais entre le narcissisme des recalés des postes et les vociférations de revanchards, ce à quoi nous assistons, c’est à un désert de la pensée politique. Un vide qui ne fait que souligner, par contraste, la densité de ceux qui sont aujourd’hui aux commandes.
L’opposition doit se reconstruire. Non pour répondre à Sonko, mais pour répondre au pays.