Proposition de mise en accusation de macky Sall: le murmure d’un basculement

Il y a des gestes qui ne changent pas immédiatement les choses, mais qui altèrent silencieusement l’air du temps. Le dépôt, ce mardi, par le député Guy Marius Sagna d’une proposition de mise en accusation de l’ancien président Macky Sall pour haute trahison entre dans cette catégorie.

La République n’a pas frémi. Pas encore. Mais elle a écouté. Avec curiosité. Avec gravité, peut-être.

Ce n’est pas tous les jours qu’un parlementaire convoque l’article 101 de la Constitution. Ce n’est pas tous les jours non plus qu’un ancien chef d’État voit planer au-dessus de son nom une telle qualification. Il y a là quelque chose de rare, et de fondateur.

La proposition en elle-même n’est pas une condamnation. Elle n’est pas même une mise en cause juridiquement établie. Elle est un appel. Une convocation. Celle de la transparence, de la reddition des comptes, de la morale publique que réclame de plus en plus fortement la conscience citoyenne. Et cela, nul ne peut ni l’ignorer ni le minimiser.

Il faut accueillir ce geste non pas dans la crispation partisane, mais dans le silence exigeant des grandes démocraties. Il ne s’agit pas de livrer un homme, mais de libérer une idée : celle selon laquelle la responsabilité suprême doit, à un moment ou à un autre, rencontrer la clarté du bilan. La clarté des chiffres, la sincérité des choix, la traçabilité des engagements.

Ce débat ne doit pas être caricaturé. Ni instrumentalisé. Il ne saurait être réduit à une revanche ou à une croisade. Il est plus vaste que cela. Il questionne nos institutions, notre mémoire collective, notre capacité à tirer des leçons sans tomber dans la détestation ou l’impunité.

La haute trahison est un mot lourd. Il ne se brandit pas. Il s’examine. Et dans cette démarche, ce n’est pas tant un homme qu’il faut juger, mais un système à interroger. Une gouvernance à ausculter. Un héritage à évaluer, sans passion, mais avec lucidité.

Peut-être cette proposition ne franchira-t-elle jamais les murs de la commission des lois. Peut-être n’aura-t-elle pas l’impact juridique que ses auteurs espèrent. Mais elle a déjà accompli une autre mission, moins visible mais plus profonde : elle a déplacé le curseur du débat national. Elle a rappelé que le pouvoir n’est jamais au-dessus du regard des citoyens.

Et si l’on devait en tirer une leçon, ce serait celle-ci : une démocratie n’est jamais aussi vivante que lorsqu’elle accepte de se regarder en face. Sans colère. Sans peur. Mais avec cette volonté ferme de dire : plus jamais de zones d’ombre.

Mamadou Sèye

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