Quand le bavardage devient stratégie : il faut que l’Etat siffle la fin de la récréation

Par Mamadou Sèye

La scène a tout d’un mauvais film rejoué pour la énième fois. L’arrivée à Dakar de Me Olivier Sur, présentée comme un événement juridique majeur, n’est rien d’autre qu’une opération de communication politique, une tentative désespérée de transformer un contentieux à venir en spectacle prémédité. Derrière la mise en scène, les grands mots et la posture professorale, il n’y a ni argument juridique solide ni faits nouveaux : seulement la volonté d’occuper l’espace médiatique, d’imposer une narration alternative, et surtout de détourner l’attention du peuple sénégalais au moment même où la vérité, désormais actée, s’installe avec le retour du FMI à Dakar.

Ce qui se joue n’a rien à voir avec le droit. Le contentieux évoqué n’est même pas ouvert. Aucun dossier judiciaire n’est constitué, aucune procédure contradictoire n’est engagée. Mais certains veulent faire croire que la justice sénégalaise serait déjà en faute, avant même qu’elle ne parle. C’est une manipulation, pure et simple. En réalité, Me Sur n’est pas venu plaider : il est venu jouer un rôle, celui du héraut d’une cause perdue qui espère retrouver, dans la ferveur médiatique, ce qu’il ne pourra obtenir dans le droit.

Depuis plusieurs semaines, nous assistons à une offensive d’un genre nouveau : la juridicisation du mensonge politique. Des figures déchues tentent de se refaire une virginité morale en se drapant dans le langage du droit. On invoque des “lettres ouvertes”, on agite des menaces d’instruction, on convoque des cabinets internationaux pour donner le vernis du sérieux. Mais les Sénégalais ne sont plus dupes. Ils savent que cette agitation n’est qu’un écran de fumée pour masquer des fautes lourdes de gestion, des engagements financiers occultes, et des montages dont même le FMI reconnaît aujourd’hui l’existence.

La mission de l’institution de Bretton Woods, qui séjournera à Dakar jusqu’au 4 novembre, a marqué une étape décisive. Elle a officiellement acté l’existence d’une dette cachée et travaille déjà à la mise en place d’un nouveau programme avec le Sénégal. Les débats stériles n’ont donc plus lieu d’être. Nous sommes dans le temps du redressement, pas dans celui des fables. Pendant que les experts du FMI s’attèlent à remettre de l’ordre dans nos comptes, certains préfèrent les caméras aux chiffres. Voilà le vrai scandale : pendant que le Sénégal travaille à son avenir, d’autres complotent pour entretenir la confusion.

Dans ce tumulte, la réaction de Juan Branco a surpris par sa clarté. Son refus d’entrer dans la surenchère révèle à quel point le terrain est devenu glissant. En soulignant la nécessité de sérénité, il a, sans le vouloir peut-être, mis à nu le désordre ambiant. Ses mots ont eu le mérite de rappeler qu’on ne bâtit pas la justice dans le vacarme, ni la vérité dans la propagande. C’est un rappel salutaire à l’heure où certains cherchent à transformer chaque procédure en arène politique.

Et c’est bien là le cœur du problème : le Sénégal sombre dans un bavardage permanent, où tout est dit, commenté, surcommenté, avant même que les faits ne soient établis. Ce vacarme est devenu un mode de gouvernement pour certains et un substitut d’action pour d’autres. On ne construit plus, on commente. On ne réforme plus, on débat. A force de tout politiser, même les initiatives de développement sont étouffées dans le bruit des soupçons. C’est ainsi qu’un pays perd son cap.

Il faut le dire clairement : tout ce que le gouvernement entreprend pour relancer l’économie, réformer l’administration ou moderniser les infrastructures est systématiquement noyauté par des réseaux d’influence qui refusent de reconnaître la nouvelle donne politique. Ces groupes, qui ont prospéré dans l’opacité et la connivence, refusent de se soumettre à la transparence. Ils agitent les médias, manipulent des pseudo-experts et financent des opérations d’intoxication à grande échelle. Le but est simple : bloquer, saboter, délégitimer. Ils veulent faire du bruit pour empêcher le pays d’avancer.

Et face à cela, l’Etat hésite encore trop. Nous vivons dans un ultra-démocratisme improductif, où la peur de déplaire finit par paralyser l’action publique. Chaque décision devient prétexte à polémique, chaque réforme est perçue comme une agression. Or, gouverner, c’est trancher. La tolérance démocratique n’a jamais signifié la complaisance envers la subversion. Ceux qui sapent les fondements de la République doivent être mis hors d’état de nuire, dans le respect strict des principes de l’Etat de droit, mais avec la fermeté que commande la survie d’une Nation.

Il ne s’agit pas d’interdire la parole, mais de rétablir la hiérarchie entre le verbe et l’action. Le Sénégal a besoin de décisions, pas de slogans. Le peuple n’attend pas des conférences de presse, mais des actes concrets. Pendant qu’on bavarde, des chantiers sont ralentis, des investisseurs attendent, et des réformes vitales stagnent. Le pays n’a pas vocation à devenir une agora sans fin. La démocratie ne peut être la dictature du bruit.

Le Président de la République, en sa qualité de garant de la stabilité institutionnelle, doit maintenant siffler la fin de la récréation. La complaisance envers le désordre communicationnel a assez duré. Il faut remettre de la gravité dans le débat public, redonner à la parole publique sa valeur, et rappeler à chacun que la liberté ne s’oppose pas à la responsabilité. Ceux qui ont fauté doivent répondre. Ceux qui manipulent doivent être démasqués. Et ceux qui travaillent pour l’intérêt général doivent être protégés et soutenus.

Le peuple sénégalais est mûr. Il a compris les jeux d’appareils, les gesticulations médiatiques et les coups de théâtre juridiques. Il veut la vérité, la clarté, et surtout, la continuité de l’action publique. Il n’acceptera pas qu’après tout ce qu’il a enduré, certains cherchent encore à bloquer le pays pour sauver leur réputation. Trop, c’est trop. La République ne se laissera pas prendre en otage par des professionnels de la diversion.

Il faut en finir avec la confusion entre la défense et la déstabilisation, entre la critique et la calomnie, entre la liberté et la licence. L’heure est au redressement moral et institutionnel. Et ce redressement suppose une autorité ferme, respectueuse du droit mais intraitable face à la mauvaise foi. L’Etat doit retrouver sa voix, sa cohérence et sa vigueur. Le Sénégal n’a pas besoin de nouveaux slogans, mais d’un sursaut collectif autour de la vérité et du travail.

Oui, camarade, le moment est venu de clore le chapitre du bavardage national. Que les communicants retournent à leurs micros, les juristes à leurs textes, et les dirigeants à leurs devoirs. Le pays a trop parlé ; il doit maintenant agir. Et pour cela, une seule phrase s’impose : le Président doit siffler la fin de la récréation.


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