Par Mamadou Sèye
Convoqué ce mardi par le parquet financier, Amadou Sall, fils aîné de l’ancien Président Macky Sall, ne s’est pas présenté. Aperçu aux États-Unis, il semble avoir pris ses distances avec la convocation. Un silence troublant, qui soulève des questions de fond sur la posture des anciens dirigeants face à la justice et sur les exigences d’une République réconciliée avec ses principes.
C’était une convocation somme toute banale dans une République apaisée. Un citoyen, fut-il fils d’ancien président, invité à répondre à une juridiction spécialisée. Rien d’exceptionnel si ce n’est le contexte, la symbolique, et aujourd’hui… l’absence. Amadou Sall, visé par une convocation du parquet financier pour une affaire présumée de détournement de fonds ou de malversation, ne s’est pas présenté. Aux dernières nouvelles, il serait aux États-Unis, loin de la salle d’audition où l’attendaient enquêteurs et magistrats.
Ce refus de répondre à une institution judiciaire n’est pas anodin. Il ne concerne plus seulement Amadou Sall. Il renvoie à un certain rapport au pouvoir, à l’impunité supposée d’une génération, à l’empreinte laissée par les pratiques du passé. En pleine ère de reddition des comptes, cette posture esquive bien plus qu’elle ne protège.
Il faut ici rappeler que le président Diomaye Faye, dans un geste d’ouverture, a placé son mandat sous le signe du dialogue national. Mais dialoguer n’exclut pas de rendre compte. Et rendre compte ne signifie pas être condamné : cela signifie simplement accepter de répondre, comme tout citoyen, aux questions de la justice. C’est cela, la démocratie moderne.
Dans cette affaire, c’est la République qui est mise à l’épreuve. Car derrière le silence d’Amadou Sall, chacun s’interroge sur la position de son père, Macky Sall, ancien Président de la République. Ce dernier n’est pas responsable des actes de son fils. Mais il est désormais rattrapé par l’image que renvoie ce silence. Il n’est pas accusé, mais il est interpellé — moralement, symboliquement, politiquement. Ne rien dire, c’est laisser entendre. Tout dire, ce serait s’exposer. C’est le dilemme d’un ancien chef d’État face à une séquence inédite : celle où l’ancien pouvoir rend des comptes sans le secours du pouvoir.
L’exemple de Karim Wade vient renforcer ce contraste. Lui aussi, fils d’un président. Lui aussi, cité dans une affaire de gestion de fonds publics. Il avait pourtant fait le choix de rentrer au Sénégal pour répondre à la justice. L’histoire ne lui fut pas clémente : il fut condamné. Mais dans l’acte de déférence à l’institution, il y eut une part de courage politique et de respect républicain.
Le Sénégal n’a pas besoin d’ennemis désignés. Il a besoin de repères. D’exemples. De figures capables de montrer que nul n’est au-dessus de la loi, pas même les enfants de la République. La justice, dans un Etat de droit, n’est pas un règlement de comptes. Elle est un arbitrage neutre, un miroir que chacun, fort ou faible, doit pouvoir affronter.
En choisissant l’évitement, Amadou Sall soulève des suspicions. Et en restant silencieux, Macky Sall s’expose aux interprétations. Il ne s’agit pas de charger. Il s’agit de comprendre. Et surtout, d’éclairer. Car au bout du compte, ce que réclame aujourd’hui le peuple sénégalais, c’est moins des têtes que de la clarté. De la vérité. De la justice — sans haine ni crainte.