Par Mamadou Sèye
Le 11 mai prochain, l’Université Cheikh Ahmadou Bamba (UCAB) fêtera ses 19 ans d’existence. Cet anniversaire, bien au-delà d’un simple jalon institutionnel, offre l’occasion de braquer les projecteurs sur une figure dont la discrétion égale la fécondité de l’œuvre : Serigne Mame Mor Mbacké. Responsable de la diaspora mouride, stratège hors pair et artisan patient d’une refondation éducative sans précédent, il est devenu, sans bruit, une figure incontournable du paysage intellectuel, spirituel et socio-économique du Sénégal.
Pendant plus de trente ans, Serigne Mame Mor a été l’ombre bienveillante et efficace de son père, Serigne Mourtada Mbacké. À ses côtés, il a sillonné villes et villages, piloté l’implantation de dizaines d’écoles, suivi la structuration d’un réseau éducatif moderne et enraciné dans les valeurs de l’islam. Lors du rappel à Dieu de Serigne Mourtada, les instituts Al Hazzar comptaient quelque 40 000 apprenants. Aujourd’hui, sous la direction éclairée de Serigne Mame Mor, ce chiffre a plus que doublé, atteignant les 90 000 élèves et étudiants, encadrés par près de 1 600 enseignants répartis dans environ 470 établissements à travers le pays. Ces données ne disent pourtant pas tout : elles cachent la méthode, la vision et la rigueur d’un homme qui ne cesse de penser l’éducation comme socle d’émancipation et de puissance pour la Ummah.
Mais là où Serigne Mame Mor force l’admiration, c’est dans sa capacité à articuler savoir religieux et formation professionnelle pointue. Loin d’un cloisonnement stérile entre sciences du cœur et savoirs du monde, il a su bâtir une pédagogie harmonieuse où l’on apprend à la fois à réciter le Coran, à cultiver le blé dans des zones sahéliennes réputées hostiles, à maîtriser l’informatique ou à créer une entreprise. Ce n’est pas un hasard si l’État du Sénégal, conscient de cette excellence hybride, confie aujourd’hui des milliers d’étudiants à ses établissements. Ce geste n’est pas seulement institutionnel : il est l’aveu d’un respect. Le respect pour un modèle qui fonctionne, sans bruit ni propagande, mais avec des résultats tangibles.
L’UCAB, dont le 19ᵉ anniversaire est l’occasion de ce coup de projecteur, est le joyau de cette vision. Fondée comme un laboratoire du savoir islamique et contemporain, elle se distingue par la qualité de son enseignement, l’esprit de discipline qui y règne, et surtout par sa capacité à former des cadres conscients, utiles et ancrés dans les valeurs. Elle est le prolongement naturel de la pensée de Cheikh Ahmadou Bamba : une université de l’excellence morale et intellectuelle, tournée vers la dignité humaine et le service.
Mais l’œuvre de Serigne Mame Mor ne se limite pas au Sénégal. En tant que responsable de la diaspora mouride, il a bâti un réseau de « Maisons Serigne Touba » dans les grandes villes du monde. Lieux de culte, d’accueil, de formation, ces structures sont devenues des ponts entre les communautés sénégalaises établies à l’étranger et leur source spirituelle. Cette diplomatie confrérique, faite de tact, de travail et de patience, a donné au mouridisme une visibilité et une respectabilité uniques sur la scène mondiale. Elle a aussi permis aux jeunes de la diaspora de garder un lien vivant avec la spiritualité de Touba, tout en s’insérant dignement dans leurs sociétés d’accueil.
Si l’homme fascine, c’est aussi par son style. Pas de harangues, pas de posture spectaculaire, mais une autorité tranquille, forgée par la cohérence entre les paroles et les actes. Dans un monde bruyant, il impose le silence de ceux qui font. Dans une époque d’images, il rappelle la force de l’exemple. Il ne convoite ni fonction, ni gloire : son ambition est ailleurs, dans l’impact, dans la pérennité, dans l’élévation intérieure. Il incarne ce que Cheikh Ahmadou Bamba a enseigné : l’idée que le travail bien fait est, en soi, une forme de prière.
Le 11 mai, les étudiants de l’UCAB et les disciples mourides célèbreront un guide. Mais c’est la Nation tout entière qui devrait s’associer à cette reconnaissance. Car l’apport de Serigne Mame Mor Mbacké dépasse les cercles confrériques. Il concerne l’éducation nationale, l’autosuffisance alimentaire, l’emploi des jeunes, le dialogue interculturel, la stabilité sociale. En cela, il est une chance. Une chance que le pays gagnerait à reconnaître, à accompagner, et à magnifier.
Dans le silence et la stratégie, il bâtit. Et ce qu’il bâtit, à la croisée de la foi et du savoir, porte déjà les fruits d’une renaissance durable.