Par Mamadou Sèye
Le juge Ibrahima Hamidou Dème s’est fendu, ce jeudi, d’un tweet lapidaire : « La justice n’est plus seulement instrumentalisée, elle est désormais ridiculisée. » Une sentence cinglante, mais creuse. Sans exemple. Sans démonstration. Sans nuance. Juste un effet de manche numérique, lancé comme un caillou dans un puits, sans écho ni profondeur.
Le plus troublant n’est pas tant le propos lui-même – la critique des institutions est un droit, parfois même un devoir – que sa pauvreté argumentative. Car enfin, sur quelle base s’appuie-t-il pour affirmer une telle déchéance de notre système judiciaire ? Quelle procédure illustre selon lui cette « ridiculisation » ? Quel fait précis ? Quelle décision problématique ? Rien. Nada. Le tweet est nu, comme un verdict sans pièces à conviction.
Et c’est là que le bât blesse.
Le juge Dème n’est pas un citoyen lambda. Il fut représentant élu des magistrats du siège au sein du Conseil supérieur de la magistrature, ce qui lui conférait à l’époque une stature singulière. Sa démission de cette instance en 2017, puis de la magistrature dans la foulée, avait été perçue comme un acte de courage, une protestation éthique contre ce qu’il considérait comme des pressions sur la justice. Beaucoup avaient vu en lui une figure d’intégrité, voire un espoir pour une nouvelle manière de faire de la politique.
Mais voilà que celui qui se voulait porteur d’un idéal d’indépendance sombre désormais dans le populisme judiciaire le plus banal. A force de vouloir commenter tout, tout de suite, sans rigueur ni recul, il en vient à affaiblir davantage ce qu’il prétend défendre. On n’est plus dans la défense de la justice, mais dans l’exploitation d’une image de juge devenu opposant, recyclée à coups de tweets indignés.
L’indignation est devenue sa langue, et l’ellipse, sa méthode. Mais un juge, même retraité, ne devrait pas s’en remettre à des humeurs digitales pour juger d’une institution aussi centrale à l’équilibre démocratique. On attendait de lui une pensée, il nous sert des slogans. On espérait un débat de fond, il nous offre une succession de grimaces numériques.
En vérité, ce tweet en dit davantage sur la trajectoire de son auteur que sur l’état de la justice. En cédant à la tentation de la formule facile, Ibrahima Hamidou Dème tourne le dos à ce qu’il avait voulu incarner : une voix exigeante, sérieuse, pondérée. Il rejoint la cohorte des commentateurs ordinaires, ces anciens “grands” devenus petits chroniqueurs de l’instant.
Il fut juge. Il fut espoir.
Il est devenu… tweet.
Et cela, pour le coup, est une vraie déchéance.