Par Mamadou Sèye
A l’occasion de la prière de la Tabaski à Thiès, un imam a tenu un sermon remarqué, dans lequel il affirmait que « la richesse est devenue un problème dans ce pays », que « tout se passe comme si l’on appelait à la pauvreté », et qu’« il n’existe aucune politique d’emplois ».
Un tel propos, énoncé depuis la chaire, mérite qu’on s’y attarde. Non pour engager une querelle avec un homme de foi, mais parce qu’il traduit, au-delà des apparences, une certaine fatigue morale — ou peut-être une frustration plus personnelle.
Posons les choses avec clarté : qui, dans ce pays, s’oppose à la richesse ? Personne. La société sénégalaise n’a jamais rejeté la réussite, ni la prospérité acquise dans la transparence, ni la richesse qui découle du travail, de l’innovation, ou de l’audace entrepreneuriale. Ce qui fait débat — et à juste titre — c’est l’enrichissement sans cause, le privilège sans effort, l’opulence sans mérite.
Oui, il existe des milliardaires dans tous les pays. Mais dans les économies sérieuses, ces fortunes sont bâties sur l’investissement, le travail productif et la contribution fiscale. Elles ne naissent ni dans les zones grises de la dépense publique, ni à l’ombre des faveurs politiques.
Le glissement du discours de cet imam est frappant. Ce qui se présente comme une dénonciation morale du système économique s’apparente, en creux, à un regret : celui d’une époque où certaines proximités permettaient d’accéder à des avantages aujourd’hui moins accessibles. Certains prêches, sous couvert de parler au nom des pauvres, trahissent d’abord les amertumes de ceux qui se sentent écartés.
Le débat sur l’emploi, sur l’exclusion, sur la justice sociale est non seulement légitime, il est urgent. Mais la chaire ne doit pas devenir le théâtre des frustrations déguisées. L’autorité spirituelle ne saurait se confondre avec une rhétorique de ressentiment.
La pauvreté ne se combat ni par la plainte ni par la nostalgie. Elle se combat par une réforme sérieuse de nos politiques publiques, une meilleure éthique de gestion, et une mobilisation de toutes les énergies constructives — y compris celles de nos leaders religieux, quand ils décident de s’élever au-dessus de la mêlée.