Par mamadou Sèye
Depuis son retour d’Italie, Ousmane Sonko s’est imposé un silence déconcertant. Pas un silence de dépit, mais celui d’un stratège. Une posture réfléchie, presque présidentielle, qui dérange plus qu’elle ne rassure. Dans un pays où la politique s’exprime souvent à coups de déclarations intempestives, ce calme méthodique a pris de court bien des observateurs. Sonko a compris que, parfois, le silence dit plus que la parole.
Pendant que certains guettent un faux pas, le duo Diomaye–Sonko déroule sa feuille de route avec méthode. Le Président Bassirou Diomaye Faye trace la voie, Ousmane Sonko et son équipe en traduisent les lignes directrices dans l’action gouvernementale. L’un incarne la vision, l’autre l’exécution. Une mécanique politique inédite au Sénégal, qui repose sur la confiance et la cohérence, deux vertus rares dans la vie publique.
Cette rigueur tranquille commence à produire ses effets. Même les partenaires internationaux s’en rendent compte. Le Conseil d’administration du FMI, après avoir salué les efforts du gouvernement en matière de transparence, semble désormais prêt à s’engager dans un nouveau programme avec le Sénégal. C’est un signal fort : le pays inspire à nouveau confiance, non pas par des discours flatteurs, mais par la crédibilité de ses actes. Là où hier on maquillait les chiffres, aujourd’hui on les expose. Là où les finances publiques servaient souvent de variable d’ajustement politique, elles redeviennent un instrument de redressement national.
Et c’est précisément ce retour à la transparence qui provoque tant de crispations. La reddition des comptes a commencé, et elle n’épargne personne. Que certains soient rappelés à l’ordre ou retenus à l’aéroport parce qu’ils font l’objet d’une interdiction de sortie du territoire, voilà qui relève de la normalité républicaine. Ce ne sont plus des “affaires politiques”, mais des procédures judiciaires. L’Etat de droit, tout simplement.
Mais certains milieux, habitués à l’impunité, vivent mal ce changement d’époque. Ceux-là accusent le pouvoir actuel d’acharnement, oubliant que la plupart des dossiers en question datent d’avant l’accession des nouvelles autorités au pouvoir. Ils redoutent moins la procédure que la lumière qu’elle projette sur leurs pratiques. La peur du jour qui se lève, voilà leur vrai malaise.
Pendant ce temps, l’opinion publique observe et juge. L’indignation citoyenne, longtemps contenue, trouve un écho dans cette volonté d’assainissement. Le Sénégalais moyen, qui en a assez des privilèges et des détournements, voit enfin un Etat qui n’a pas peur de regarder les comptes en face. C’est peut-être cela, la plus grande révolution silencieuse du tandem Diomaye–Sonko : avoir replacé la morale et la responsabilité au cœur de la gouvernance.
Et pourtant, certaines réactions prêtent à sourire. Quand le PDS déclare “reconnaître sa part de responsabilité dans le bilan” et regrette son compagnonnage avec la PASTEF, l’ironie est trop belle pour passer inaperçue. Rires. Seul le PDS croit encore qu’il représente quelque chose dans le paysage politique actuel. Ce parti-là n’est plus que l’ombre nostalgique de son fondateur, le charismatique Abdoulaye Wade, dont le génie politique manque cruellement à ses héritiers. Le PDS de Wade faisait l’Histoire ; celui d’aujourd’hui s’emploie à la commenter, parfois sans la comprendre.
Face à ces postures, Sonko, lui, reste droit. Il ne s’agite pas, il avance. Il sait que le temps politique est patient et que le silence, bien utilisé, peut être plus redoutable qu’un long discours. En laissant le tumulte se déchaîner autour de lui, il oblige chacun à se révéler : les sincères par leurs actes, les inquiets par leurs cris.
Sacré Sonko, en vérité. Il aura suffi qu’il se taise pour que tout un pays s’agite. Son silence démasque les faux débats, met à nu les hypocrisies, et redonne à la politique cette gravité qui lui manquait. Dans la nouvelle équation du pouvoir, il n’a pas besoin de crier pour exister ; il suffit qu’il agisse.
Le Sénégal entre dans une phase exigeante. Une ère où la transparence n’est plus un slogan, mais un engagement. Où la justice ne se négocie plus dans les salons, mais se prononce dans les tribunaux. Où la crédibilité internationale se reconquiert par la rigueur, non par les artifices.
Dans ce contexte, les polémiques d’hier deviennent des anecdotes. Et ceux qui s’accrochent aux vieilles pratiques finiront balayés par la marche du temps. Le pays a changé de logiciel : il pense réforme, responsabilité, et dignité.
Alors oui, sacré Sonko !
Car dans un Sénégal qui apprend à se regarder en face, son silence n’est pas une absence ; c’est un signe de maturité. Et c’est peut-être cela, la vraie rupture.