SENELEC : quand la lumière coûte plus cher que la vérité

Par Mamadou Sèye

Il y a des silences plus bruyants que les discours officiels. Celui des consommateurs sénégalais face à leurs factures d’électricité en est un. Depuis plusieurs semaines, les plaintes se multiplient : les tickets Woyofal s’épuisent plus vite, les factures grimpent, et les explications techniques de la SENELEC n’éteignent pas la colère.

Le ministre de l’Énergie, du Pétrole et des Mines, Birame Soulèye Diop, avait pourtant donné une note d’espoir. En avril dernier, il annonçait que « l’objectif du gouvernement est de faire en sorte que le coût du kilowattheure, actuellement à 117 FCFA, puisse baisser à 60 FCFA ». Une phrase devenue virale, perçue comme une promesse immédiate de baisse. Mais la nuance, pourtant importante, s’est perdue : il s’agissait d’un objectif à moyen terme, conditionné à la conversion des centrales, au développement du mix énergétique et à la baisse des coûts de production.

Aujourd’hui, ce n’est plus la promesse qui éclaire : c’est la déception qui brûle. Dans les foyers, les consommateurs ne cherchent plus à comprendre les subtilités tarifaires : ils voient simplement leurs unités fondre. La SENELEC peut répéter qu’il n’y a pas de hausse, le ministère peut jurer qu’il reste engagé dans la réduction du coût — le citoyen, lui, regarde son compteur, et son compteur ne ment pas.

En matière de pouvoir d’achat, la perception vaut vérité. Ce que ressent le consommateur devient une donnée politique. Les explications techniques ne pèsent rien face à la brutalité du vécu. Et tant que les autorités n’auront pas compris cela, le fossé entre la SENELEC et la rue continuera de s’élargir.

Le Woyofal, jadis symbole d’autonomie et de modernité, cristallise aujourd’hui la défiance. Beaucoup le jugent capricieux, avalant les crédits à une vitesse inexplicable. Les plaintes, qu’elles soient exagérées ou réelles, traduisent une même fatigue : celle d’un peuple qui ne croit plus au discours officiel.

La communication institutionnelle n’a rien arrangé. Trop de chiffres, pas assez de pédagogie. Trop d’autosatisfaction, pas assez d’écoute. Dans un contexte social tendu, la bataille de la transparence vaut autant que celle de la production.

Pourtant, les réformes engagées sont réelles. Le ministre Birame Soulèye Diop a lancé une transition énergétique ambitieuse : conversion des centrales au gaz, montée en puissance des énergies renouvelables, renégociation des contrats et meilleure maîtrise du coût de production. Mais entre la vision stratégique et la réalité des compteurs, le gouffre reste immense. Et dans ce vide, le mécontentement populaire trouve sa légitimité.

Le véritable enjeu n’est plus seulement énergétique. Il est politique et moral. Les Sénégalais peuvent comprendre les lenteurs techniques, les délais de transition, les contraintes budgétaires. Ce qu’ils refusent, c’est le flou. Ils veulent savoir clairement ce qu’ils paient, pourquoi ils paient, et quand les promesses seront tenues.

Un effort de transparence s’impose : publication de la structure tarifaire, explication claire des tranches, reconnaissance des retards éventuels. Le pouvoir actuel, porté par un discours de sincérité et de rupture, ne peut pas se permettre que l’électricité devienne un symbole d’incompréhension.

La lumière doit éclairer, pas aveugler. Et s’il faut choisir entre le confort d’une communication rassurante et la rigueur d’une vérité dérangeante, il faut toujours choisir la vérité.

Car la lumière, camarade, ne se mesure pas qu’en kilowattheures.
Elle se mesure aussi en confiance.


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