Société civile ou tribunal mondain ? Quand Birahim Seck dérape

Par Mamadou Sèye

La démocratie a ses piliers : une presse libre, une justice indépendante… et une société civile vigilante. Encore faut-il que celle-ci n’oublie pas sa vocation au profit d’une posture tapageuse et fluctuante. La sortie de Birahim Seck du Forum Civil, fustigeant une éventuelle convocation de l’artiste Waly Seck par le parquet financier, illustre à merveille ce dérèglement.

L’indignation serait noble si elle n’était aussi sélective. A quel moment a-t-on décidé que la célébrité équivalait à immunité judiciaire ? Depuis quand la convocation d’un citoyen par une juridiction devient-elle un scandale national, simplement parce qu’il chante sur les grandes scènes ? Le plus cocasse — ou le plus inquiétant — réside dans la demande de M. Seck, qui en appelle au Président de la République pour faire cesser la procédure. Un appel clair à l’ingérence. Le même qui, d’habitude, se veut le chantre de l’indépendance de la justice. Contradiction ou confusion ? Sans doute un peu des deux.

Et comme si cela ne suffisait pas, voilà que la même voix s’élève pour exiger du chef de l’État la déclassification des rapports de l’Inspection générale d’État (IGE). Encore une fois, l’impératif s’énonce avec aplomb, sans égard pour les procédures, les délais raisonnables ou les stratégies judiciaires en cours. On se croirait face à un gouvernement bis, persuadé de maîtriser mieux que l’Etat les calendriers administratifs, les enjeux politiques et les équilibres institutionnels.

Mais au-delà du fond, c’est la forme qui offense. Le ton professoral, presque condescendant, avec lequel Birahim Seck interpelle les plus hautes autorités de l’Etat, trahit un sentiment de toute-puissance médiatique. Comme si, armé d’un compte Twitter et d’une réputation forgée à coups de coups d’éclat, il s’octroyait le droit de distribuer bons points et réprimandes. Ce n’est pas ainsi que l’on élève le débat démocratique. Ce n’est pas ainsi que l’on construit un Etat de droit.

Oui, la société civile joue un rôle fondamental. Oui, elle doit veiller, critiquer, dénoncer. Mais elle doit le faire avec cohérence, avec décence, avec respect pour les institutions. Elle ne peut pas devenir une caisse de résonance pour des causes people, ni une vigie à géométrie variable selon que l’intéressé soit gestionnaire ou star adulée.

Le Président et son Premier ministre n’ont pas hérité du pouvoir. Ils l’ont conquis. Au prix de combats personnels, de renoncements, de risques. Il est légitime de les interpeller. Mais il est inacceptable de le faire sur un ton désinvolte, comme si le pouvoir politique était une machine capricieuse que l’on pouvait manipuler au gré de ses indignations matinales.

Le Sénégal nouveau mérite une société civile lucide, sérieuse, exigeante. Pas un tribunal mondain prompt à défendre les uns, à accuser les autres, au rythme de l’émotion et de la popularité.

L’éthique n’est pas un spectacle. La reddition des comptes non plus.


Un commentaire sur « Société civile ou tribunal mondain ? Quand Birahim Seck dérape »

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *