Tension politique au Sénégal? Une illusion alimentée par les rentiers de la peur

Par Mamadou Sèye

Depuis quelques semaines, une certaine société civile, accompagnée de quelques activistes en mal de combat, s’acharne à imposer l’idée selon laquelle le Sénégal vivrait une tension politique latente. Mais à l’épreuve des faits, cette thèse ne résiste pas à l’analyse.

Que signifie une tension politique dans une République ? C’est l’irruption de violences collectives, de blocages institutionnels, de violations massives des libertés fondamentales. C’est l’atmosphère de peur, la paralysie du fonctionnement normal de l’État. Rien de cela n’est observable aujourd’hui au Sénégal. Les forces de défense et de sécurité vaquent tranquillement à leurs missions classiques ; mieux, elles passent leurs week-ends en famille, loin des sirènes d’alerte et des déploiements d’urgence. Les partis politiques organisent librement leurs activités, la presse est vibrante, les citoyens vaquent à leurs occupations sans craintes particulières.

Il faut d’ailleurs rappeler, contre toute mauvaise foi, que le Premier ministre Ousmane Sonko est aussi président d’un parti politique majeur. Dès lors, il est naturel, légitime et même sain qu’il prenne la parole, réponde, et mène le combat des idées lorsqu’il le juge nécessaire. Vouloir lui dénier ce droit en raison de sa fonction administrative revient à vouloir mutiler la démocratie elle-même.

En vérité, ceux qui crient à la crise ne sont pas mus par un amour sincère de la démocratie. Ils sont avant tout des rentiers de la peur, nostalgiques d’un passé où il suffisait d’agiter quelques concepts creux pour maintenir le statu quo. Leur stratégie est claire : instiller l’angoisse, disqualifier toute entreprise de refondation, bloquer par la panique ce qu’ils ne peuvent plus empêcher démocratiquement.

À ce registre de l’illusion s’ajoute un autre artifice : celui du prétendu chaos économique. Oui, la vie chère existe ; oui, des réformes douloureuses peuvent provoquer des ajustements difficiles. Mais dans ce contexte, que voyons-nous ? Les salaires sont régulièrement payés. Les pensions de retraite sont honorées. Les fonctions essentielles de l’État continuent d’être assurées avec rigueur. Peut-on en dire autant d’un État en crise ?

Il est surtout utile de préciser que certains cris viennent de ceux qui, hier, profitaient indûment du système : emplois fictifs, avantages exorbitants, détournements tolérés, impunités organisées. La fin de ces rentes injustes a naturellement produit des mécontents. Mais il serait indécent de confondre les lamentations de privilégiés déchus avec la voix du peuple véritable.

Mieux encore, dans une République moderne, la reddition des comptes n’est pas une exception, ni un signe de persécution : elle est la règle. Il est normal, il est même fondamental, que des personnes ayant exercé des responsabilités soient appelées à s’expliquer. Il est banal, dans toute démocratie sérieuse, que ceux qui ont mal géré, détourné, ou failli, rendent des comptes. Le Sénégal ne fait que renouer avec les standards universels de l’État de droit. Ceux qui tentent de criminaliser cette exigence de redevabilité sont en réalité les premiers fossoyeurs de la démocratie.

Il faut donc le dire sans détour : ce n’est pas le Sénégal qui est en crise, ce sont ceux qui vivaient de ses failles qui traversent une crise existentielle. Ce n’est pas l’État qui vacille, ce sont les anciens passe-droits qui s’effondrent. Ce n’est pas la société sénégalaise qui se déchire, c’est l’ancien système des abus qui expire.

Reconnaître cela, ce n’est pas nier les défis qui existent. Mais c’est refuser de s’égarer dans des caricatures alarmistes dictées par des intérêts minoritaires. Aujourd’hui, l’essentiel est ailleurs : dans l’assainissement en cours, dans la refondation exigeante, dans l’invention d’un État plus juste et plus transparent.

Le Sénégal vit un moment de transition salutaire. Ceux qui tentent de travestir cette dynamique historique par des procès en sorcellerie échoueront. La lucidité des citoyens, la solidité des institutions, et la légitimité d’un pouvoir élu pour incarner la rupture veillent sur ce chemin de renouveau.

3 commentaires sur « Tension politique au Sénégal? Une illusion alimentée par les rentiers de la peur »

  1. Très bonne analyse de la situation du pays. Ne suis point militant Pastef mais apprécie beaucoup tes articles que je ne rate plus

  2. Analyse ne peut être plus pertinente. De telles analyses devraient être à la portée du sénégalais alpha pour qu’il ne soit pas intoxiqué par ces malheureux perdants qui savent qu’ils seront tôt ou tard jugés pour leur forfaiture.

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