Par Mamadou Sèye
La Banque africaine de développement (BAD) a un nouveau président. Le candidat mauritanien a été élu, mettant fin à une campagne où le Sénégal avait engagé, sans réserve, l’un de ses meilleurs atouts : Amadou Hott, ancien ministre de l’Économie, du Plan et de la Coopération internationale, ancien vice-président de la BAD, figure réputée dans les milieux de la finance mondiale.
Si certains esprits pressés ou mal intentionnés y voient un échec diplomatique cuisant pour Dakar, la réaction mesurée des principaux acteurs invite à une lecture plus sobre, plus stratégique — et plus africaine.
Le style Hott : dignité et continuité
A peine le verdict connu, Amadou Hott a réagi avec élégance. Il a remercié les autorités sénégalaises pour leur appui constant, salué ses soutiens à travers le continent et félicité le vainqueur. Une posture de grand professionnel, fidèle à son image, et surtout consciente que le leadership africain s’écrit dans la durée.
Ce n’est pas le premier revers dans ce type d’élection, ni pour le Sénégal, ni pour d’autres pays majeurs du continent. Dans l’histoire récente de l’Union africaine ou de la CEDEAO, combien de candidatures fortes n’ont-elles pas buté sur les équilibres invisibles des logiques sous-régionales, des clivages linguistiques, ou des dynamiques géostratégiques temporaires ?
La voix posée d’Ousmane Sonko
Le Premier ministre Ousmane Sonko, lui, n’a pas tardé à réagir. Dans un geste salué par beaucoup, il a félicité le candidat mauritanien élu, tout en saluant la belle campagne menée par Amadou Hott. Il a conclu par ces mots : « C’est l’Afrique qui gagne ».
Ce propos, que certains auraient pu considérer comme diplomatique et attendu, est en réalité une rupture de ton avec des pratiques politiciennes qui instrumentalisent les échecs. En félicitant le vainqueur et en remerciant le nôtre, Sonko marque une maturité diplomatique, une vision panafricaine, mais aussi un message interne : nous ne sommes pas dans une logique de revanche, mais de construction. Un ton d’unité, de dépassement, de méthode.
Leçons d’un revers ordinaire
Il faut éviter l’excès d’émotion. Oui, le Sénégal a perdu cette manche. Non, ce n’est pas un effondrement. La candidature d’Amadou Hott était sérieuse, appuyée par un Etat qui a joué son rôle jusqu’au bout. Mais il ne suffit pas d’avoir un bon profil et un solide CV. Les élections dans les institutions africaines sont d’abord des batailles d’influence, de coalitions, d’intérêts croisés.
Le Sénégal est entré dans une phase de recomposition de sa diplomatie. Le nouveau régime hérite d’un appareil d’influence à réactiver, à reconfigurer, parfois à reconstruire. Le monde ne nous attend pas, et l’Afrique encore moins. Il faudra du temps, du réseau, du sens stratégique — et beaucoup de constance.
Et maintenant ?
Le Sénégal ne doit ni se replier, ni accuser, ni se lamenter. Il doit apprendre, ajuster, et poursuivre. La présence sénégalaise dans les grandes institutions africaines doit être pensée à long terme, avec une vraie stratégie de formation de profils, de soutien diplomatique, de partenariat africain.
Quant à Amadou Hott, cette non-élection n’est qu’une virgule dans une carrière internationale appelée à rebondir. Ce n’était peut-être pas son moment. Cela ne veut pas dire qu’il n’en aura pas un autre. Dans la finance mondiale et africaine, les profils comme le sien sont rares et précieux.
Ceux qui crient à l’échec se trompent d’échelle. Le continent avance. L’Afrique a gagné un nouveau président de la BAD. Et le Sénégal reste debout, dans le jeu, respecté, et déjà tourné vers la suite.